Chroniques

par emeric mathiou

Antonio Vivaldi
Farnace (airs favoris)

1 CD Alia Vox (2003)
AV9830
Antonio Vivaldi | Farnace (airs favoris)

Farnace est un modèle d'opera seria du XVIIIe siècle, dramma per musica en trois actes composé à Venise en 1727 sur un livret d'Antonio Maria Lucchini (né vers 1690, mort après 1730), revu à Madrid par Francesco Corselli (1705-1778), en 1739. L'intrigue en est complexe, mais se termine bien, mettant l'accent sur des valeurs humaines représentatives de l'époque des Lumières. Avec cet enregistrement live du Théâtre de La Zarzuela de Madrid, Jordi Savall et son Concert des Nations offrent une interprétation sensible, suprême dans l'art des nuances, et musicalement étincelante. Un livret d'accompagnement présente quelques images de scène qui nous font comprendre le mot baroque, rendant compte du grand moment visuel que dût être ce spectacle.

Cependant, la prise de son brouillon nous perd un peu et n'offre pas l'écrin qu'aurait mérité ce chef-d'œuvre de Vivaldi. La partie vocale est interprétée sans véritable passion, et seuls Furio Zanasi (Farnace), Gloria Banditelli (Selinda) et Sara Mingardo (Tamiri) rendent leurs personnages crédibles. Bérénice, pour impétueuse et percutante qu'elle soit, manque de coffre, de brutalité et d'autorité pour incarner ce monstre de pouvoir, ennemi juré de Farnace. Pompeo est doté d'une petite voix bien décevante. Cinzia Forte, qui incarne le rôle très virtuose de Gilade, surprend par son aisance technique.

Quant à lui, le baryton Furio Zanassi nous propose un Farnace très musical, intelligent et sensible, d'une voix qui sied bien à son rôle de Roi. Gloria Banditelli, en Selinda, est pleine de tendresse et de sentiments. Mais l'étoile de la soirée est sans hésiter Sara Mingardo dans le rôle de Tamiri. Le contralto fait preuve d'une ampleur funèbre et d'une dignité inoubliable dans son rôle de reine. Elle est tout simplement fascinante.

Ce disque est un moment de plaisir musical, mais n'est cependant pas à la hauteur de l'événement qu'il aurait dû être. En consolation, nous avons la virtuosité de l'orchestre, qui ne suffit pas, mais qu'il faut applaudir. Le mélomane pourra approfondir la découverte de l'ouvrage de Vivaldi en écoutant le coffret intégral paru en avril 2002 (Alia Vox AV 9822 A/C), dont les airs du présent disque sont issus.

EM