Chroniques

par michel slama

archives Birgit Nilsson
Verdi

1 CD Decca (2005)
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archives Birgit Nilsson | récital Verdi (1962)

Toujours dans la collection Classic Recitals paraît un récital de Birgit Nilsson entièrement consacré à Giuseppe Verdi. Le lecteur, qui se souvient de la cantatrice suédoise comme d'une des plus grandes chanteuses wagnériennes du siècle et dont l'Isolde est restée légendaire, sera sûrement surpris par cette réédition pour le moins inattendue.

En effet, même si Nilsson fut à ses débuts une grande Amelia (Un ballo in maschera) avec Solti, ses incarnations verdiennes, et particulièrement celle de Lady Macbeth, ne furent pas aussi définitives que ses Wagner. En témoigne son échec retentissant à la Scala dans ce rôle où quelques années plus tôt (1952), sous la battue de Vittorio de Sabata, Maria Callas immortalisait le rôle dans le temple milanais [lire notre critique du CD].

Birgit Nilsson débuta en 1946 dans le rôle d'Agathe duFreischütz (Weber) à l'Opéra Royal de Stockholm où elle sera un membre permanent de la troupe pendant près de dix ans, abordant un répertoire de plus en plus large, de Mozart à Verdi et Wagner. La saison 1954-1955 la voit en Brünnhilde et Salomé qui font le début de sa renommée internationale. Entre 1954 et 1970, Bayreuth l'invite régulièrement pour chanter Elsa, Sieglinde, les trois Brünnhilde, puis Isolde. Au même moment, Munich, Londres, Milan, Paris, San Francisco et New York se la disputent dans ce même répertoire qu'elle élargit à Léonore (Fidelio), Elektra – dont elle laisse un enregistrement de référence avec Solti, son chef de prédilection –, puis plus tardivement encore, la Teinturière (Die Frau ohne Schatten) et Turandot qu'elle aborde à la Scala en 1958 avec un triomphe retentissant aux côtés de Giuseppe di Stefano et Rosanna Carteri. Par deux fois au disque pour RCA puis pour EMI, et sur scène aux côtés d'artistes de légende, comme Franco Corelli, Jussi Björling, Leontyne Price, Galina Vichnevskaia, Mirella Freni, elle interprètera sur les plus grandes scènes le rôle de la princesse chinoise qui lui collera à la peau autant que les héroïnes wagnériennes.

Quelle drôle d'idée eut donc Decca de lui faire enregistrer ce récital Verdi (1962) ? Est-ce à sa demande expresse ou pour suivre le caprice des décideurs que Nilsson y interprète cette Lady Macbeth qui ne lui va décidément pas ? Deux ans plus tard, elle enregistrera pourtant le rôle complet avec Thomas Schippers au pupitre. Malgré des moyens proprement époustouflants, elle est bien incapable de composer un personnage crédible. Impavide et nonchalante, elle attaque ensuite un Ambiziozo spirito ennuyeux, à la ligne de chant mal contrôlée, même si toutes les notes y sont. Elle déçoit aussi par un manque d'intelligence du texte qui l'empêche de délivrer effroi et frisson, et des vocalises manquant de legato.

La luce langue manque tout autant d'italianità et nous éloigne encore plus de Verdi, bien que plus acceptable vocalement, malgré un orchestre tonitruant. IncroyableArgeo Quadri : superbe et attentionné avec Gwyneth Jones [lire notre critique du CD], il peut être ici insupportable de violence, d'agressivité, tout en donnant des pianissimi aux langueurs incompréhensives qui cassent l'action. La scène de la folie est lue de façon prosaïque par ce chef, n'aidant guère la Diva qui a bien du mal à caractériser son personnage, chantant bien toutes les notes, mais avec un accent très exotique (Orsu t'affreta). Elle maîtrise tous les arcanes techniques de l'air d'Eboli (Don Carlos), bien qu'étrangère à ce répertoire. La princesse n'est ni Brünnhilde, ni Turandot.

Même problème dans l'air meurtrier d'Abigaille (Nabucco) : avec des moyens aussi fabuleux permettant d'assumer sans difficulté la tessiture du rôle, il est dommage que cette artiste n'ait pas su assimiler la langue italienne. Ces réserves ayant été exprimées, rarement air si difficile aura été si généreusement servi vocalement, les notes extrêmes étant particulièrement spectaculaires. Les deux airs extraits de La Forza del destino la trouvent plus à son aise et plus concernée que le triptyque macbéthien. Accompagnée avec tendresse, elle parvient à s'y montrer sincèrement émouvante (Pieta di me, signor). Là, celle qu'on surnommait the icy cold nous ferait presque fondre.

MS