Chroniques

par michel slama

archives Carlo Bergonzi
airs d’opéra

1 CD Decca (2004)
archives Carlo Bergonzi

Decca nous propose une première livraison de six volumes de la collection Classic Recitals, jadis parue en microsillons au cours des années soixante et soixante-dix – Renata Tebaldi et Franco Corelli [lire notre critique du CD], Hilde Gueden [lire notre critique du CD], etc. À cette époque, l'éditeur londonien était mondialement reconnu pour la qualité exceptionnelle de ses prises de son et de ses techniques d'avant-garde. Leur report en CD, particulièrement soigné, permet encore de le constater. Ces enregistrements sont en effet d'une clarté et d'un équilibre incroyables et sans aucune saturation des extrêmes, à l'exception du disque des Duos. De plus, la firme propose l'exacte reproduction des pochettes et des textes d'origine, ce qui donne à ces premiers volumes un certain côté kitch, plutôt amusant ; ce qui l'est moins, c'est la quasi impossibilité à déchiffrer les textes d'origine (en anglais), tant leurs caractères sont petits. Déplorons encore la faible durée moyenne de ces CD – environ 40 minutes –, même pour une collection économique ! Mais arrêtons de bouder notre plaisir pour passer à l'écoute...

Avec Carlo Bergonzi, c'est à un portrait idéal du ténor italien que Decca nous convie. Tout au long de sa carrière qui débuta en 1948, Bergonzi s'est imposé comme le plus grand ténor lyrique de sa génération, défendant avec une égale vaillance et un goût incroyables pour l'époque l'ensemble du répertoire italien, de Monteverdi à Cilea. Par l'intelligence du choix de ses rôles et sa technique parfaite, sa longévité fut exceptionnelle : il chanta avec un égal bonheur de 1948 à 1990. À 70 ans, invité à participer à l'hommage rendu au chef James Levine pour ses 30 ans de carrière au Metropolitan de New York, il fut même acclamé pour la qualité de sa prestation vocale ! Il reste aussi connu pour avoir chanté aux côtés des plus grandes divas, au disque ou sur scène, avec Maria Callas pour la Tosca de 1965, mais aussi Renata Tebaldi, Montserrat Caballe, Joan Sutherland.

Ses enregistrements sont nombreux, avec en tête une anthologie des airs d'opéra de Verdi en 3 CD, parue il y a quelques temps chez Philips, et qui fait toujours référence,Un Bal Masqué de Verdi fabuleux avec Leontyne Price et Shirley Verrett chez RCA. À titre de curiosité, reparue chez Sony, un florilège d'airs napolitains complète idéalement cette discographie rapide du grand ténor à laquelle vient aujourd'hui s'ajouter ce nouvel album – indispensable.

En 1957, Carlo Bergonzi a 33 ans et c'est dans la plénitude de ses moyens qu'il aborde cet enregistrement incroyablement bien restauré. Au programme, tous les tubes du grand répertoire italien sont représentés : large place est faite à son Verdi de prédilection avec Aïda, La Forza del Destino, Luisa Miller, Il Trovatore et Un ballo in maschera. Le reste est consacré aux grands rôles de Puccini (Tosca, Manon Lescaut), Cilea (Adriana Lecouvreur), Giordano (Andrea Chenier), et même au grand air de L'Africaine deMeyerbeer. Tout comme Maria Callas, Carlo Bergonzi s'emploie à dépoussiérer ce répertoire : aidé par l'Orchestre de Rome et le grand Gavazzeni, il le revisite et le débarrasse des vulgarités et excès qui s'y étaient accumulés jusque-là. Ici, point de coup de glotte, point de sanglots et de vibratos pathétiques incontrôlés, mais une vraie maîtrise de la vocalité, en osmose avec les personnages. Écoutez les airs de Tosca, ceux d'Adriana et vous aurez compris ! Encore, un disque à se procurer de toute urgence !

MS