Chroniques

par samuel moreau

Archives Gérard Souzay
autour de la mélodie et de l’opéra français

1 DVD VAI (2005)
4312
Souzay, autour de la mélodie et de l’opéra français

Angevin d'origine,Gérard Souzay (1918-2004) grandit à Chinon au sein d'une famille baignée par la musique. Ses études l'orientent d'abord vers la philosophie, mais sa rencontre parisienne avec Bernac, qui pressent son potentiel vocal, décide de sa carrière de baryton. Il entre au Conservatoire en 1940, y remporte plusieurs prix, puis fait ses débuts en 1944 avant d'aborder la scène internationale (New York, Rome, Vienne). Élève de l'interprète privilégié de Poulenc, de Claire Croiza, Vanni Marcoux et Lotte Lehmann, il est un des plus brillants artistes de l'après-guerre – dans le domaine de la mélodie et du lied, notamment, puisqu'il a peu servi l'art lyrique.

Enregistrées à onze ans de distance (février 1955 et mars 1966), deux émissions télévisées canadiennes nous proposent de passer une petite heure en noir en blanc (et son mono) en compagnie du chanteur, jalonnée de saynètes désuètes. D'emblée, nous apprécions une diction impeccable dans les nombreuses mélodies (Gounod, Duparc, Fauré) et extraits d'opéra en langue française. Chacun de ces derniers nous propose un échantillon du talent du chanteur : belle égalité de la pâte vocale dans Alceste de Lully, incarnation pétillante pour La Damnation de Faust de Berlioz ou au contraire recueillie pour Orphée et Eurydice de Gluck ; quant à lui, Brillant soleil, l'air de Rameau tiré des Indes Galantes, réunit plusieurs qualités – luminosité, présence, nuance et surtout simplicité.

À cet égard, les archives les plus anciennes déçoivent, en particulier Don Quichotte à Dulcinée. Dans le cycle de Ravel, le chant se regarde dans la glace, manque de naturel (vocalise compassée) et force le trait (rire parigot sur Chanson à boire). Dans Lully, les graves sont écrasés au point d'en perdre l'harmonique de la voix. Au contraire, l'approche de Debussy nous enchante, Souzay offrant une Ballade que feist Villon... toute en suavité, souplesse et intelligence du texte, avec des passages convaincants en voix mixte et de fausset. À la décharge du soliste, l'accompagnement n'est pas toujours un modèle de fiabilité. Si Dalton Baldwin propose un piano fluide, si Jean Baudet, à la tête de l'Orchestre de Radio-Canada, s'avère vif, tonique et contrasté (Berlioz), Roland Leduc se montre en revanche tour à tour raide, ennuyeux, sans caractère ou sans esprit.

Bien qu'on puisse signaler encore quelques petits défauts d'un artiste qui reniait d'ailleurs ses enregistrements de jeunesse – italien approximatif pour Don Giovanni, points d'orgue complaisants pour Schubert –, il reste que son sens de la nuance et la caresse de ses aigus firent de l'interprète vieillissant un enseignant précieux à New York, Stuttgart et Salzbourg, de même qu'une figure de légende du chant français. « Je ne prétends pas avoir donné à la musique des idées, disait-il, je n'ai fait que lui obéir. »

SM