Chroniques

par anne bluet

Béla Bartók
Concerto pour orchestre – Suite de danses – Chants paysans hongrois

1 SACD Hungaroton Classic (2004)
HSACD 32187
Béla Bartók | Concerto pour orchestre – etc.

Le label Hungaroton livre un enregistrement tout entier consacré à la musique de Béla Bartók, effectué il y a deux ans à Budapest par l'Orchestre National Philharmonique Hongrois sous la baguette de Zoltán Kocsis. Dès les premières mesures du Concerto pour orchestre, l'auditeur sera surpris par le climat mystérieux de cette lecture, une énigme qui ne s'éclairera que momentanément vers la septième minute, avant de se cacher à nouveau derrière les fins échanges solistes qui construisent la fin du mouvement. Le Giuoco delle copie qui suit est d'une savante fausse légèreté d'où sourdent des accents de drame à peine amorcés mais bien là ; on y entend l'appréciable qualité du pupitre des bois de la formation hongroise. La toute debussyste Elegia est assez sombre, dangereusement langoureuse, de sorte que les attaques de cordes qui suivent soudain paraissent autant de cris de désespoir ; Bartók écrivit cette page durant l'été 1943, aux États-Unis, déjà fatigué qu'il était par les assauts de la maladie qui allait avoir raison de sa vie le 26 septembre 1945 – ce qui pourrait en expliquer le caractère lugubre. L'Intermezzo en sera d'autant joyeux, joué ici avec une élégance toute sensualité, tandis que le Finale est abordé avec une sorte de hargne un peu crispée. En général, cette version brille par l'équilibre de ses contrastes, une dynamique judicieuse, une articulation claire qui n'en dévoile cependant pas le squelette.

De vingt ans son aînée, la Suite de Danses débute avec retenue, pour peu à peu installer une sorte de fête qui respire la joie, à travers une succession de danses d'inspiration ethnique (roumaine, hongroise, arabe, etc.), dans une synthèse entre musique populaire et musique savante qui serait l'une des marques de fabrique du compositeur dans ces années là. Kocsis – qui a souvent joué les pièces de piano d'inspiration comparable de Bartók – en donne une interprétation haute en couleurs, d'une énergie formidable, s'achevant par le fourmillement invraisemblable du sixième mouvement, directement héritier du Mandarin merveilleux.

Les deux Chants de paysans hongrois sont plus rarement joués. Le compositeur réunit en 1931 quelques pièces pour piano qu'il arrange pour l'orchestre, réalisant deux Tableaux (c'est ainsi qu'on les appelle parfois). L'équilibre de ces pages est idéal, développant une certaine tendresse de ton fort éloignée de l'âpreté du Concerto. La Philharmonie hongroise en donne une lecture d'un bel élan, dans une sonorité un rien vieillotte tout à fait charmante, délicieusement soulignée par l'intervention de la cornemuse.

AB