Chroniques

par laurent bergnach

Benjamin Britten
œuvres avec cordes

1 CD Linn Records (2015)
BKD 226
Le Scottish Ensemble joue trois œuvres avec cordes signées Britten

De même que naquirent Les méditations poétiques (Lamartine, 1820) puis Les contemplations (Hugo, 1856) dans sa première moitié, la fin du XIXe siècle vit paraître Les illuminations, d’abord partiellement (1886), puis dans son intégralité (1895), à titre posthume. Nous n'entrerons pas ici dans la double polémique de savoir si le mot illumination est à lire comme français ou anglais – désignant alors des gravures coloriées (coloured plates) –, et si Arthur Rimbaud (1854-1891) est l’auteur véritable de ce recueil en prose et vers libre, qu’il aurait alors conçu, pour l’essentiel, entre juillet 1872 et juin 1874.

Quelque temps après Quatre chansons françaises (1928, création en 1980), qui s’inspire de Verlaine et Hugo, Britten emprunte aux Illuminations dix textes à faire chanter par une voix aiguë. Le soprano Sophie Wyss – par qui l’on sait que Britten « était tellement imprégné de cette poésie qu’il ne cessait d’en parler » – crée l’œuvre à Londres, le 30 janvier 1940, mais nombre de ténors se sont ensuite emparés de cette pièce d’environ vingt minutes (de Pears, bien entendu, qui l’enregistre en 1954, jusqu’à Ainsley, Bostridge, etc.). Sur fond de cordes volontiers lumineuses, toujours très à l’aise avec Britten [lire notre critique du DVD The turn of the screw] Toby Spence s’exprime avec vaillance, souplesse et rondeur.

La composition de Variations on a theme of Franck Bridge Op.10 demeure un tour de force puisque Britten, prévenu d’une commande tardive pour le Salzburger Festspiele, l’ébauche en dix jours de juin 1937. La création a lieu le 27 août et remporte un vif succès en explorant les possibilités d’un orchestre à cordes. Le thème en question est tiré de Trois idylles H.67 (1907), dédié par l’aîné à sa future épouse, la violoniste Ethel Elmore Sinclair, à une époque où il aborde le genre du quatuor [lire notre critique du CD]. Par cet hommage affectueux et admiratif, Britten veut peindre les différentes facettes de son mentor, côtoyé depuis l’adolescence. D’emblée, le Scottish Ensemble fait entendre une belle présence avant de peindre des climats subtils, conduit par la violoniste Clio Gould : tendresse nauséeuse (Adagio), espièglerie légère (March), frénésie hystérique (Romance), etc.

Écrite pour ténor, cor et cordes, la Serenade Op.31 est la plus récente des pages au programme puisque présentée au Wigmore Hall (Londres) le 15 octobre 1943, avec Peter Pears et le corniste Dennis Brain à l’origine du projet. En accord avec l’idée de sérénade, Britten retient six poèmes évoquant la nuit, dont cinq signés Blake, Cotton, Jonson, Keats et Tennyson. De même que le métal ronfle ou siffle entre les lèvres de Martin Owen, que les cordes s’affirment scintillantes ou flegmatiques, Toby Spence fait honneur aux contrastes de la composition grâce à un sens de la nuance déjà goûté plus tôt. Au final, on ne peut qu’approuver le label d’offrir une seconde chance à ce joyau enregistré en 2003, à travers sa collection echo.

LB