Chroniques

par laurent bergnach

Benjamin Britten
Albert Herring

1 DVD Warner Vision (2005) zones 2, 3, 4, 5
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Benjamin Britten | Albert Herring

Pauvre Albert ! Soumis à une mère autoritaire, promu contre son gré Roi de Mai par un comité de notables désireux de voir s'incarner la Vertu, le jeune épicier provoque même le rire des enfants du quartier – « la maman d'Albert a pris son bâton, et l'a frappé sur le derrière ». Après Peter Grimes (1945) et The Rape of Lucrecia (1946), Benjamin Britten offre au public une œuvre moins tourmentée, puisque Albert Herring est une parodie de la vie d'un village engoncé dans ses conventions, en plein cœur du printemps 1920. L'émancipation du jeune homme est au centre de l'histoire, puisque avec un peu de chance (un destin joué à pile ou face) et de courage (découcher, se saoûler… et pire encore), l'adolescent devient un homme. Les fruits croqués par Nancy et Sid lors d'un duo amoureux, offerts ensuite par Albert aux enfants sont, à cet égard, une belle métaphore. « Une abominable petite chose » dira cependant le critique du Times suite à la création, le 20 juin 1947. Cette vexation mal digérée fut pour Britten à l'origine du boycott de Glyndebourne et de la mise en place, à Aldeburg, de son propre festival.

Cette production de 1988 retrouve le chemin du lieu boudé quarante ans plus tôt. Dans des décors très réalistes, s'appuyant sur des personnages caractérisés, Peter Hall signe une mise en scène nerveuse, à l'exception des quelques monologues dans le huis clos de l'épicerie où le statisme finit par lasser. Les réparties de Lady Billows – Patricia Johnson, voix saine et vaillante – et de Florence Pike – Felicity Palmer, le plus beau timbre de la troupe et un personnage des plus crédibles – sont toujours savoureuses, de même que l'intervention des enfants – Maria Bovino, Bernadette Lord, Richard Peachey –, avec ou sans leur institutrice, Miss Wordsworth – parfaite Elizabeth Gale. Le plaisir du spectateur est donc au diapason de celui d'un compositeur qui cite allégrement Wagner, Strauss, la comédie musicale ou la chorale de Gospel.

S'il n'y a rien à redire de la direction de Bernard Haitink, du jeu des solistes du London Philharmonic Orchestra (très beaux solos de cordes), il faut bien avouer un problème de prise de son sur les deux tableaux du premier acte. La percussion très crue, claquante, y est mise en avant, tandis que Alan Opie (Sid) commence par nous décevoir avec une émission laborieuse, sans beaucoup de couleurs ni de basses. En revanche, pas de circonstances atténuantes pour le héros de l'histoire : John Graham-Hall a le physique du rôle (grande asperge ramollie), mais il est malheureusement faux, couinant et grimaçant. Le reste de la distribution est plus qu'honorable : voix naturelle et timbre coloré pour le Superintendant de Richard Van Allan, graves séduisants de la Nancy de Jean Rigby, et enfin expressivité, sonorité et drôlerie de Mrs Herring, incarnée par Patricia Kern.

LB