Chroniques

par michel tibbaut

César Franck
œuvres symphoniques

1 CD Fuga Libera (2012)
FUG 596
César Franck | Symphonie en ré mineur – etc.

César Franck (1822-1890) étant d’origine liégeoise, il était tout à fait approprié que l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège, sous la baguette de l’Autrichien Christian Arming, son tout nouveau directeur musical depuis septembre 2011, lui consacre un disque entier. Celui-ci est particulièrement désirable en ce qu’il fait intelligemment voisiner son œuvre orchestrale probablement la plus connue avec deux partitions plutôt rarissimes.

Toutefois, si l’intérêt primordial de ce CD semble centré sur le poème symphonique de jeunesse Ce qu’on entend sur la Montagne (1846), inspiré de l’œuvre éponyme de Victor Hugo, et sur le Ballet allégorique extrait de son opéra Hulda (1879-1886), il ne faut guère négliger pour autant cette célèbre Symphonie en ré mineur (1888) dont Christian Arming offre, avec sa merveilleuse phalange liégeoise, une interprétation qui s’élève au niveau des plus accomplies, depuis celles légendaires de Pierre Monteux et Charles Munch, jusqu’à celles plus récentes de Pierre Bartholomée et Louis Langrée, ces deux dernières également avec l’OPRL. En excellent musicien, Arming ne tombe pas dans le piège de la grandiloquence et de l’emphase qui dénaturent souvent le message de cette œuvre plus délicate à interpréter que l’on ne l’imagine, et c’est avec une chaleureuse plénitude qu’il en livre une lecture intelligente, équilibrée, sans complaisance aucune et d’une précision exemplaire. Il en éclaire des détails pratiquement inaudibles dans les autres versions, exaltant plus la clarté française que l’aspect germanique de la partition.

Si elles sont très rarement exécutées, les deux autres œuvres ne nous sont toutefois pas inconnues : Ce qu’on entend sur la Montagne a reçu sa première mondiale discographique en 1986 dans une réalisation du chef anglais Brian Priestman avec feu l’Orchestre Symphonique de la RTBF (Musique en Wallonie/Schwann CD11855), tandis que l’opéra Hulda connut une édition confidentielle en microsillon d’un enregistrement milanais (en italien !) réalisé par Vittorio Gui en avril 1960 (Melodram MEL155).

Il n’est nullement question de comparer ces deux partitions aux merveilleux chefs-d’œuvre dont Franck nous gratifiera généreusement à l’été indien de sa vie de musicien, mais elles sont intéressantes en ce que la première est une prémonition de ces splendeurs que sont Le chasseur maudit ou Les Djinns, avec de curieux accents brucknériens par certains unissons et ostinatos aux cordes, tandis que le Ballet allégorique d’Hulda se situe à mi-chemin de Delibes et Tchaïkovski, et annonce clairement, à certains moments, Les Éolides et Psyché.

La question de savoir si, par Ce qu’on entend sur la Montagne, Franck est le véritable « inventeur » du poème symphonique plutôt que Liszt, reste ouverte. Quoi qu’il en soit, l’œuvre bénéficie ici d’une réalisation complètement revue et éditée par l’OPRL. Christian Arming en dirige une exécution nettement supérieure par sa mise en place impeccable et son indicible poésie, à celle trop clinquante de Priestman, et toutes ses qualités de finesse, de précision se retrouvent dans sa version du Ballet allégorique. Signalons quand même dans ce dernier une importante coupure de la partie chorale – Danse et Chœur des ondinesqui, dans ce cas, devrait plutôt s’intituler tout simplement Danse des ondines… Même avec cette coupure, le disque affiche une durée généreuse de près de 81 minutes !

MT