Chroniques

par samuel moreau

Christoph Willibald Gluck
Aristeo – Bauci e Filemone

2 CD Ambroisie (2006)
AMB 9995
Christoph Willibald Gluck | Aristeo – Bauci e Filemone

Le 9 janvier 2006, Aristeo et Bauci e Filemone, deux courts opéras perdus de Gluck, renaissaient au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, sous la battue de Christophe Rousset. S'ensuivit un enregistrement public en première mondial, dont les ventes aideraient l'association Les sept vies de Philémon à financer la recherche sur les maladies rares dans les villes où se poursuivait la tournée, durant tout le mois (Bruxelles, Monte-Carlo, Paris, Strasbourg, Montpellier).

Mais revenons aux sources. À l'occasion du mariage du Duc de Parme Ferdinand (petit-fils de Louis XV) et de l'Archiduchesse d'Autriche Marie-Amélie (sœur de Marie-Antoinette), le compositeur se voit commander un opéra-ballet, Le Feste d'Apollo, sur lequel vinrent se greffer toutes sortes de divertissements luxueux (tournoi, foire chinoise, etc.). L'œuvre comprend un prologue et trois actes indépendants, dont une reprise remaniée de l'Orfeo ; elle fut donnée pour la première fois le 24 août 1769.

Aristeo nous conte l'histoire du fils d'Apollon et de Cirene qui, ayant provoqué la fuite et la mort d'Eurydice, est puni par Orfeo et ses compagnes Dryades : les abeilles dont il tire profit sont décimées. Sa mère l'aide à découvrir l'origine de ses maux et l'encourage à organiser des sacrifices. Des entrailles des taureaux égorgés s'échappe alors un immense essaim, et tout rentre dans l'ordre. Dans le rôle-titre, Ann Hallenberg convainc par son ampleur vocale et la chaleur de son timbre ; on regrette qu'elle n'ait pas plus d'aria à défendre. Autre mezzo, Marie Lenormand incarne la nymphe Cidippe, avec du corps et des aigus évidents. Ditte Andersen est une Cirene peu charismatique, aux récitatifs aigrelets, heureusement équilibrés par des airs aux vocalises agiles et bien menées. Pas toujours très stable en Ati, Magnus Staveland est un jeune ténor doté d'une couleur charmante, de graves sûrs et d'une belle diction.

Dans Bauci e Filemone (Philémon et Baucis), on retrouve le chanteur danois, expressif en Jupiter s'apprêtant à châtier la Phrygie bien peu hospitalière. En effet, déguisé en pèlerin misérable, il ne sera accueilli que par un couple d'amoureux que Filemone présente ainsi : « nos parents, justes et droits / nous ont appris les valeurs de l'innocence / l'amour de la vertu, l'amour des Dieux ». Marie Lenormand incarne le berger tandis que la bergère est Ditte Andersen. Outre des solistes globalement attachants, le Chœur de chambre de Namur, nuancé et très proche du texte, et Les Talens Lyriques au jeu équilibré, tonique et chatoyant, finissent de nous faire recommander ce disque, au delà de son message humanitaire.

SM