Chroniques

par laurent bergnach

Claude Debussy – Tristan Murail
pièces pour piano

1 CD La Dolce Volta (2022)
LDV 110
Le pianiste François-Frédéric Guy joue Debussy et Murail

« Associer Debussy avec l’écriture de Tristan Murail, c’est inscrire l’évolution musicale dans une logique historique de bouleversements sonores », assure François-Frédéric Guy qui met les deux Français à l’honneur de son nouveau disque – enregistré à la Cité de la Musique et de la Danse de Soissons, en octobre 2021, avec une prise de son à saluer.

Claude Debussy (1862-1918) ouvre le programme avec Reflets dans l’eau, extrait du Livre I des Images (1905) donné dans un son très rond, romantique alla Brahms, qui n’empêche pas le soin à définir chaque strate. Il le referme avec le Livre II des Préludes (1912). Brouillards séduit par une grande attention à la ciselure, Feuilles mortes par une grande précision des différentes frappe, La Puerta del Vino par des nuances très fines qui n’appuient pas le contraste. Malgré quelques inclinations à l’emphase, François-Frédéric Guy livre le cycle entier avec esprit.

Au moment de concevoir Les travaux et les jours (New York, 2003), Tristan Murail (né en 1947) s’interrogeait sur le fait d’aborder aujourd’hui un instrument chargé d’histoire, dont le moindre accord plaqué fait référence à quelque chose d’autre. Voici sa réponse : « il me semble que le mieux est d’adopter une attitude totalement naïve, de faire comme si c’était la première pièce que l’on écrivait pour le piano. Il doit y avoir un côté introspectif et rétrospectif de l’œuvre, ce qui ne veut pas nécessairement dire que l’on trouve des citations de choses anciennes » (notice de l’opus disponible sur le site du compositeur).

Depuis, Murail est revenu au piano sur l’insistance de son éditeur, Pierre Lemoine, et grâce au partenariat du festival Solistes à Bagatelle. L’année du centenaire Debussy, Cailloux dans l’eau voit le jour, inspiré par la pièce de 1905 annoncée plus haut à laquelle il emprunte « un profil mélodique, pas forcément les notes précises » (in Gaëtan Puaud, Tristan Murail, Aedam Musicae, 2022). En revanche, Le rossignol en amour (2019) n’a aucun lien avec la musique de Couperin, mais s’enracine dans l’écoute d’un nicheur du jardin. À l’image du modèle, la pièce est aérienne et pépiante. Quant à lui, Mémorial (2020) s’enracine dans la découverte des blocs qui forment le monument élevé à Berlin pour les victimes de la Shoah.

Après le lisztien Résurgence (2021), virtuose mais bavard, sous-titré La Sorgue à Fontaine-de-Vaucluse, François-Frédéric Guy livre deux pages des plus récentes, dont les auditeurs de Présences ont eu la primeur à la fin de l’hiver [lire notre chronique du 12 février 2022]. En ce qui nous concerne, Impression, Soleil levant se nimbe d’une aura de mystère qui le rend plus intéressant que Le misanthrope, d’après Liszt et Molière, assez prosaïque et ennuyeux.

LB