Chroniques

par laurent bergnach

Claudio Monteverdi
Il ritorno d’Ulisse in patria | Le retour d’Ulysse dans sa patrie

2 DVD Opus Arte (2005)
OA 0926 D
Il ritorno d’Ulisse in patria, opéra de Monteverdi

Plus de trente ans séparent la création de L'Orfeo (Mantoue, 1607) de celle d'Il Ritorno d'Ulisse in patria (Venise, 1641) – ce qui nous laisse regretter, une fois de plus, l'importance des œuvres égarées (Andromeda, Armida, Proserpina rapita, etc.) entre ce qui demeure désormais comme les deux premiers des trois opéras de Claudio Monteverdi, tout en permettant de mesurer son évolution musicale à l’œil nu, si l’on peut dire.

Si le madrigal influençait l'Italien jusqu'alors, le prologue et les cinq actes nous contant le retour d'Ulysse en Ithaque voient le jour au moment où la musique de la Renaissance devient baroque. Cependant, nous n'y sommes pas encore, puisque l'absence d'arie et de passages purement instrumentaux marque la volonté de subordonner la musique au livret de Giacomo Badoaro. L'opéra de l'époque reste avant tout du théâtre ; c'est donc sobrement que Glen Wilson, à la tête du Baroque Ensemble, apporte sa contribution à la présente production de 1998, au Het Muziektheater d'Amsterdam – offrant une alternative possible à la version Christie/Noble chez Virgin classics [lire notre critique du DVD].

Comme l'indique la jaquette, la mise en scène de Pierre Audi y est « grandement stylisée et intemporelle ». À part un épisode pyrotechnique lors de la mise à mort des prétendants, les effets spéciaux n'ont pas leur place sur ces planches foulées par les Dieux et les Allégories. Ces dernières forment un quatuor équilibré : Brian Asawa (L'Humana fragilità) possède une agilité naturelle ; Jaco Huijpen (Il Tempo) est une basse solide, avec de la présence, quoique aux graves peu sonores ; Monica Bacelli (La Fortuna) jouit d'un chant puissant, d'un bel impact, mais manque un peu de précision ; enfin, Machteld Baumans (L'Amore) ravit par sa fiabilité et la richesse de son timbre.

Expressive sans excès, Graciela Araya incarne Penelope, cette femme malheureuse « qui expie l'erreur d'une autre ». Le chant, très bien mené, est celui d'un vrai contralto. Usant avec parcimonie d'une voix large qui lui assure des récitatifs confortables, Anthony Rolfe Johnson (Ulisse) respecte le style avec souplesse et naturel. Toby Spence (Telemaco) est malheureusement nasillard et peu crédible. Monica Bacelli (Melanto) fait preuve de nuances ; dommage que Mark Tucker (Eurimaco) soit un partenaire à l'ornementation approximative, au médium engorgé, à l'aigu nasal. Adrian Thompson (Eumete) délivre un chant clair et aussi doux que sa présence. Prenant peu à peu sa place dans le drame, Alexander Oliver (Iro) s'avère drôle et touchant.

LB