Chroniques

par laurent bergnach

Cristóbal Halffter
Lázaro | Lazare

1 DVD NEOS (2008)
NEOS 50802
Cristóbal Halffter | Lázaro

C'est en réfléchissant à l'allégorie de la caverne, exposée par Platon dans le Livre VII de La République, que Cristóbal Halffter (né en 1930) et son librettiste Juan Carlos Marset se sont rappelé l'histoire de Lazare sortant de son tombeau. Après Don Quijote – créé le 23 février 2000 au Teatro Real de Madrid, à l’occasion de son soixante-dixième anniversaire –, le compositeur espagnol s'intéresse de nouveau à un homme qui a le don de voir autrement ce que nous prenons pour la réalité – La vida es sueño, écrivait Pedro Calderón de la Barca, il y a trois cent ans. Revenant d'entre les morts, le héros de son deuxième opéra peut aborder la vie différemment, c'est-à-dire en étant éveillé. Mais contrairement aux prisonniers présentés par le philosophe, la révélation ne se fera pas en quittant l'obscurité pour le plein soleil, mais au fond d'un caveau, durant l'activité inconsciente du rêve.

L'ouvrage commence dans l'absence de Jesús de Nazaret, arrêté au soir du Jeudi Saint. Désemparé à plus d'un titre, le négociant de Betania nommé Lázaro déambule autour de la table du dernier repas ; il parvient à échapper aux gardes romains qui – contre la volonté de Judas Iscariote – recherchent les disciples du Galiléen, dont les enseignements menaçaient l'ordre social et politique établi. Revenu chez ses sœurs Marta et María, Lázaro se cache dans le tombeau qui l'avait accueilli quelques jours avant. Il s'y endort, rêvant de sa mort et de Judas menaçant ses amis endormis. Il prédit : « Nous ne nous réveillerons que lorsque nous rêverons tous le même rêve ». Au lever du jour, une discussion s'envenime autour de la trahison de Judas, lequel ne regrette pas son action. Tandis qu'une partie des disciples se rend à Jerusalem pour accompagner les dernières heures de Jesús, Lázaro rappelle à tous la nécessité du pardon et se prépare à sa propre arrestation. « Je veux seulement mourir à nouveau, conclut-il, mais éveillé cette fois ».

Créé au Théâtre de Kiel le 4 mai 2008, l'acte unique de Lázaro (80 minutes) a demandé trois années d'écriture à Cristóbal Halffter qui, en artisan, a cherché une sonorité par scène plutôt qu'un thème ou une mélodie. L'ensemble aurait gagné à plus de nuances musicales, même si la situation évoquée ne peut conduire qu'à une partition tout en fébrilité, rendue par la direction nerveuse de Georg Fritzsch et les voix tendues de Julia Henning et Claudia Iten. Les artistes masculins ont été choisis pour leur clarté et leur vaillance, notamment Jooil Choi (Malco / Simón) et Jörg Sabrowski dans le rôle-titre. Si la prise de son présente quelques à-coups désagréables, la mise en scène maîtrisée d'Alexander Schulin est rendue avec une agréable variété de plans.

LB