Dossier

dossier réalisé par bertrand bolognesi
25 septembre 2010

Festival Luigi Cherubini au Palazzetto Bru Zane
Centre de Musique Romantique Française de Venise

Palazzetto Bru Zane par Chemollo Bellini
© chemollo-bellini

En février dernier, nous chroniquions deux concerts de musique de chambre entendus au Palazzetto Bru Zane de Venise. Nous découvrions alors une équipe d'un grand dynamisme à l'enthousiasme séduisant et communicatif. Outre une programmation de concerts, dans ses murs mais aussi dans d'importants lieux de la musique en Europe, le Centre de musique romantique française s'ingénie à explorer et faire explorer son sujet à travers l'édition de partitions, la publication d'ouvrages musicologiques et d'enregistrements discographiques. Nous avons le plaisir aujourd'hui de vous présenter sa nouvelle saison, et tout particulièrement son festival Luigi Cherubini et les premiers romantiques

Introduction à la deuxième saison du Palazzetto Bru Zane

La première saison du Centre de Musique Romantique Française de Venise, sis au Palazzetto Bru Zane et faisant partie de la Fondation Bru, montrait au public les grandes lignes d’une activité naissante. Pour commencer, il s’agissait de lancer des pistes. En octobre 2010 s’ouvre la deuxième saison qui, elle, explorera plus précisément les axes d’intérêt du Centre qui dépassent la seule activité musicale et musicologique.

« L’originalité est le fondement de notre politique artistique, précise Alexandre Dratwicki, directeur scientifique de l’institution, ainsi que la diffusion au sens le plus large du terme ». Voilà un mot d’ordre que vérifie copieusement la saison 2010/2011 du Palazzetto Bru Zane, avec les quelques deux cent dix concerts portés à son affiche, soit soixante programmes donnés à Venise et ailleurs, dont certains même ne connaîtront pas de soirée sur la lagune.

Un troisième axe d’activité du Centre se met en place, cette année : la pédagogie, à comprendre en tant que formation des interprètes de la musique romantique française, bien sûr, mais aussi celle des publics. Ainsi le Palazzetto proposera-t-il désormais des master classes. Il sera également présent dans certains grands concours internationaux avec lesquels il développe un partenariat, sous forme de prix spéciaux.

Trois festivals par an

Chaque année, la saison du Palazzetto s’articulera en trois moments phares.
Un festival de printemps : du 12 avril au 5 juin 2011, une vingtaine de rendez-vous - dans des lieux aussi prestigieux que la somptueuse Scuola Grande San Rocco ornée par Le Tintoret entre 1564 et 1587, le vaste Palazzo Pisani qui, depuis 1940, est devenu le Conservatoire Benedetto Marcello, la Basilica dei Frari, le plus grande église de la cité où Claudio Monteverdi est enterré, et le Palazzetto Bru Zane lui-même, bien sûr – accueilleront le programme Du Second Empire à la Troisième République. « Les convives de la fête impériale fuyaient la grande musiquepour la farce d’Offenbach, mais restaient néanmoins respectueux du grand opéraà la Meyerbeer tandis que, sourdement, une nouvelle génération de symphonistes faisait ses gammes »,annonce la brochure de saison du Centre de Musique Romantique Française.

Au cœur de l’hiver, Le Salon romantique offre des cartes blanches aux musiciens dont « les programmes sont élaborés collégialement par les artistes et l’équipe du Palazzetto, avec l’objectif de présenter au public un panorama varié d’œuvres célèbres et de raretés totalement méconnues » (même source). Du 3 au 27 février, tandis que Venise vivra son carnaval, ce sont les œuvres chambristes de Fauré, Cherubini, Chausson, Ravel, Poulenc et Debussy qui sonneront dans les murs du Palazzetto, mais aussi celles d’Onslow, David, Alkan, Durosoir et Bruneau, entre autres.

Enfin – et c’est déjà maintenant ! –, le Quatuor Mosaïques vient d’ouvrir le festival Luigi Cherubini et les premiers romantiques (samedi 2 octobre) avec un programme consacré à Giuseppe Cambini (1746-1825), Luigi Boccherini (1746-1805) et Luigi Cherubini (1760-1842)…

Palazzetto Bru Zane par Chemollo Bellini
© chemollo-bellini

Luigi Cherubini et les premiers romantiques

Sans conteste, Luigi Cherubini est l’un des deux grands premiers musiciens romantiques, avec Étienne-Nicolas Méhul (1763-1817). Outre de faire entendre le répertoire romantique français chambriste, ce mois de concerts (du 2 octobre au 2 novembre 2010) permettra de goûter l’opéra, qu’il s’agisse de Lodoïska de Cherubini donné à La Fenice (13 octobre) ou de son Pimmalione ; l’occasion de se pencher sur les Italiens à Paris : Cimarosa, Clementi, Rossini, Spontini, etc. « Cherubini est un lien idéal à valoriser pour souligner tout ce que l’Italie et la France ont de meilleur en commun », explique Benoît Dratwicki, conseiller artistique de l’institution. Il poursuit : « Jouer la musique de Cherubini sur instruments d’époque et au diapason adéquat devrait permettre de mieux comprendre à quel point son grand style héroïque est plus proche de Haydn qu’on le croit ». Aussi le programme du festival est-il conçu de manière à placer le compositeur dans son contexte en donnant la musique de ses contemporains, qu’il s’agisse de Méhul ou encore de Rodolphe Kreutzer (1766-1831).

Au programme

Samedi 9 octobre, 20h, Palazzetto Bru Zane
Marina De Liso, mezzo-soprano | Marco Ricciarelli, piano
Airs de Cherubini, Louis Niedermeyer (1802-1861), Rossini, Gaspare Spontini (1774-1861), Ambroise Thomas (1811-1896) et Louis Varney (1844-1908).

Mardi 12 octobre, 20h, Palazzetto Bru Zane
Tami Troman, violon | Yoko Kaneko, pianoforte
Œuvres de Cherubini, Louis-Ferdinand Hérold (1791-1833), Hyacinthe Jadin (1776-1800) et Kreutzer.

Mercredi 13 octobre, 20h, Teatro La Fenice
Nathalie Manfrino, Hjördis Thébault, Sébastien Guèze, Philippe Do, Pierre-Yves Pruvot, Armando Noguera et Alain Buet| Les Eléments | Le Cercle de L’Harmonie | Jérémie Rohrer, direction
Lodoïska, opéra-comique (1791) de Cherubini

Jeudi 14 octobre, 20h, Palazzetto Bru Zane
Andreas Staier et Christine Schornsheim, pianoforte
Œuvres de Pierre-Alexandre Boëly (1785-1858), George Onslow (1784-1853) et Schubert.

Samedi 16 octobre, 20h, Palazzetto Bru Zane
Quatuor Ardeo
Œuvres de Cherubini, Antonín Reicha (1770-1836) et Mozart.

Mercredi 20 octobre, 20h, Scuola Grande San Giovanni Evangelista
Maria Grazia Schiavo, soprano| Auser Musici | Carlo Ipata, direction
Airs de Cherubini

Dimanche 24 octobre, 17h, Palazzetto Bru Zane
Emmanuel Ceysson, harpe
Œuvres de Nicolas-Charles Bochsa (1789-1856) – harpiste célèbre en son temps et sympathique aventurier (lire les ouvrages de Michel Faul) –, Elias Parish-Alvars (1808-1849), Spohr et Albert Zabel (1834-1910).

Mardi 26 octobre, 20h, Palazzetto Bru Zane
Carolyn Sampson, soprano / Jonathan Papp, piano
Airs et mélodies de Muzio Clementi (1752-1832), Giovanni Paisiello (1740-1816), Ferdinando Paer (1771-1839), Rossini et Spontini.

Mardi 2 novembre, 20h, Conservatorio Benedetto Marcello
Venti
Œuvres de Cherubini, Ignace-Joseph Pleyel (1757-1831), Méhul et Rossini.

Pour commencer…

Jouer un répertoire encore peu connu, voire presque complètement oublié, est non seulement faire preuve de conviction et d’enthousiasme, mais encore de ténacité et de courage. « Cela coûte cher et rapporte peu ! », disent, toujours avec le sourire, les maîtres d’œuvres du festival. Outre que représenter un opéra de Cherubini nécessite un budget deux fois plus important que de jouer un ouvrage de Mozart, par exemple, une maison d’opéra de répertoire traditionnel risque d’y perdre un peu de son public habituel. Fort heureusement, le développement de plusieurs partenariats (avec des salles de concerts, des festivals, des orchestres, des opéras, etc.) permet de mettre en valeur ces œuvres rares avec une moindre prise de risque. Le Centre de Musique Romantique Française de Venise annonce vouloir programmer la musique de Cherubini pendant plusieurs années : « nous espérons vivement que cette figure sortira différente du premier festival à lui être consacré, peut-être même grandie ».