Chroniques

par laurent bergnach

Gabriel Fauré
mélodies

1 CD Signum Classics (2016)
SIGCD 427
Huit chanteurs réunis autour de Malcolm Martineau chantent Gabriel Fauré

Âgé de seize ans, Gabriel Fauré (1845-1924) signe son premier opus, une mélodie éclose d’une lecture de Victor Hugo (Le papillon et la fleur) et « composée dans le réfectoire de l’École [Niedermeyer], parmi les parfums de cuisine… ». Durant les six décennies à suivre, il en écrirait une centaine d’autres jusqu’à sa mort, à la veille de laquelle il déclare au Petit Parisien (28 avril 1922) : « on les a beaucoup chantées. Pas assez pour qu’elles aient fait ma fortune, mais bien trop tout de même, puisque les confrères prétendirent qu’ayant si bien réussi dans le genre, je devais m’y consacrer pour la vie ! » (in Jean-Michel Nectoux, Gabriel Fauré, Fayard, 2008) [lire notre critique de l’ouvrage].

Signum Classics propose une intégrale des mélodies de l’élève de Saint-Saëns, dont voici le premier volume enregistré entre juin 2012 et mai 2015 (All Saints Church, Londres), avec Malcolm Martineau au piano. Quatre femmes sont invitées, dont trois soprani. D’un chant sain, Lorna Anderson délivre Les berceaux Op.23 n°1 (1879), Arpège Op.76 n°2 (1897) et Vocalise n°20 (1912), répartis çà et là, sans souci de chronologie. La fée aux chansons Op.27 n°2 (1882) et Aurore Op.39 n°1 (1884) sont deux moments brillants, voire émouvants, grâce à l’ampleur nuancée de Janis Kelly. Enfin, avec une vivacité caressante, Joan Rodgers livre Le jardin clos Op.106 (1914), « suite de huit mélodies » inspirée par le symboliste belge Charles Van Lerberghe.

La plus grande part du programme revient à Ann Murray dont le mezzo émoussé n’empêche pas clarté, souplesse et onctuosité : Le papillon et la fleur Op.1 n°1 (1861), Mai Op.1 n°2 (c.1862), Après un rêve Op.7 n°1 (1877) et Vocalise n°29 (1907). Ajoutons-y Cinq mélodies « de Venise » Op.58 (1891) sur les mots d’un Verlaine que Fauré juge « exquis à mettre en musique ». Le cycle doit son surnom à un séjour au Palazzetto de Winnaretta Singer, future princesse de Polignac, qui eut le privilège de la première audition, confiée au ténor Maurice Bagès.

Côté barytons, une ardeur un peu frustre caractérise l’excellent John Chest, en charge de nombreuses pages : Dans les ruines d’une abbaye Op.2 n°1 (c.1865), Les matelots Op.2 n°2 (c.1870), Sylvie Op.6 n°3 (1878) et le bref cycle Poème d’un jour Op.21 (1878). En revanche, Nigel Cliffe est inopportun pour défendre la mélodie française, avec sa diction chaotique et une emphase bien ridicule dans Chanson du pêcheur Op.4 n°1 (c.1872) et Le voyageur Op.18 n°2 (c.1878). Quant à lui, le ténor Ben Johnson interprète Sérénade toscane Op.3 n°2 (c.1878) et Nell Op.18 n°1 (1878) avec facilité et perfection. Enfin, la délicatesse du contre-ténor Iestyn Davies fait merveille dans Lydia Op.4 n°2 (c.1870) et Tristesse Op.6 n°2 (c.1873) [lire notre chronique du 17 juin 2017].

LB