Chroniques

par laurent bergnach

Gavin Bryars
En paroles, en musique – entretiens

Le mot et le reste (2020) 348 pages
ISBN 978-2-36139-617-6
Jean-Louis Tallon s'entretient avec le Britannique Gavin Bryars

Au début des années quatre-vingt-dix, alors qu’il s’intéresse à la musique contemporaine et notamment au minimalisme nord-américain (Reich, Glass, Monk, etc.), Jean-Louis Tallon découvre l’art de Gavin Bryars, fustigé par une certaine presse à œillères. Un quart de siècle plus tard, afin de mieux faire connaître la vie de l’artiste et son parcours aux curieux situés de ce côté-ci de la Manche, le Lyonnais s’entretient avec le Britannique qui revendique la liberté d’écouter son instinct – « j’écris d’une manière qui me convienne ou me semble juste et il serait impensable que je compose autrement pour être soi-disant crédible sur un soi-disant plan historique » (juin 2018).

Gavin Bryars naît à Goole (Yorkshire) le 16 janvier 1943, quatrième d’une famille de cinq enfants. Musicien amateur, son père est un baryton-basse qui se fait entendre à l’église et dans un répertoire d’opéras populaires, tandis que sa mère pratique le violoncelle et le piano. C’est elle qui lui donne ses premières leçons avant de l’orienter vers des cours privés. Il découvre alors nombre de compositeurs (Bach, Liszt, Ravel, Satie, etc.), tout en suivant à la radio une émission sur le jazz et une autre sur la guitare. À l’adolescence, il se passionne pour la littérature, panachant roman d’aventures (Verne) et théâtre d’avant-garde (Beckett). L’inventeur du Nautilus est d’ailleurs un écrivain qui apparaît tout au long de la carrière de Bryars : de deux titres lus directement en français, Une fantaisie du Dr Ox et Vingt mille lieues sous les mers, un opéra est tiré du premier et un ensemble de pièces du second (The black river, The white lodge, etc.) ; on peut citer également The green ray, un concerto pour saxophone. Proche de l’OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle), il trouve également l’inspiration chez ses contemporains, dans des poèmes signés Etel Adnan ou Blake Morrison, des textes de l’essayiste Wendell Berry ou du sculpteur Juan Muñoz, etc.

Gavin Bryars appartient à ces créateurs dont quelques œuvres ont assuré la célébrité – dans son cas Jesus’ blood never failed me yet et The sinking of the Titanic [lire notre entretien de février 2005 et notre chronique du 22 octobre 2012] – tout en laissant dans l’ombre une part énorme de leur production. Pour ce premier ouvrage à lui être consacré, il faut féliciter notre musicographe d’avoir mis en lumière des collaborations avec des artistes variés (Bertrand Belin, Carolyn Carlson, Merce Cunningham, Anna Tchernakova, Bob Wilson, etc.), mais surtout un travail accompli loin des salles de concert, telles ces diffusions dans la chambre d’écoute du Château d’Oiron, les rues de Leeds ou encore le train Goole–Hul. Honnête et drôle – il n’épargne pas certains confrères, de même que plusieurs de ses propres pièces écrites dans la précipitation –, le compositeur gagne à être apprécié aussi en tant qu’homme.

LB