Chroniques

par bertrand bolognesi

Georg Friedrich Händel
Oreste

1 coffret 2 CD MDG (2004)
609 1273-2
Georg Friedrich Händel | Oreste

Créé le 18 décembre 1734, Oreste rassemble plusieurs grands moments de divers opéras pour former un pasticcio, comme il arrivait encore d'en présenter dans ces années-là ; celui-ci en tout cas est conçu par Georg Friedrich Händel à partir de pages de ses propres œuvres, sachant qu'il n'était pas mal considéré alors d'aller puiser dans celles du voisin. Après quelques représentations, Oreste fut vite oublié, et devrait attendre 1988 pour que le charmant Théâtre Goethe de Bad Lauchstädt le ressuscite, dans le cadre du Händelfestspiele de Halle. On y reconnaîtra quelques emprunts à Agrippina, Ariana in Creta, Floridante, Lotario, Ottone, Partenope, Siroe, Sosarme, Radamisto, Riccardo Primo, Rodrigo, Tamerlano, l'Ouverture étant celle de la cantate Cor fedele ; il est remarquable qu'en couvrant ainsi vingt-sept ans de composition, l'édifice ne souffre d'aucun problème d'unité, grâce à une réécriture dont on ne peu qu'admirer le génie.

Alors qu'il s'attelait à ce travail entre deux ouvrages conséquents et originaux, Händel réussit à composer tout spécialement quelques numéros pour son Oreste. L'intrigue est, bien sûr, celle d'Iphigénie en Tauride, mais ici vécue du point de vue d'Oreste, qui en devient le personnage principal. Le livret de Giovanni Gualberto Barlocci puise son inspiration en diverses sources :Elektra de Sophocle, Iphigénie en Tauride d'Euripide, Les Euménides d'Eschyle, les Histoires d’Hérodote, mais aussi Ovide et Cicéron. Le lecteur trouvera dans la notice de ce disque un texte fort documenté d’Annette Landgraf présentant plus précisément l'ouvrage et son contexte. On regrettera uniquement, pour le confort du plus grand nombre, que le label MDG – Musikproduktion Dabringhaus und Grimm – n'ait pas pensé aux auditeurs francophones : alors que la mise en page possède la place qu'aurait prise une quatrième colonne, le livret intégral y est publié dans sa langue originale (italien), en anglais et en allemand.

À la fin du mois de juillet 2003, Maria Gyparaki mettait en scène une équipe grecque dansOreste à Corinthe, la fosse étant occupée par la Camerata Stuttgart sous la battue deGeorge Petrou, une production reprise à Athènes il y a tout juste un an. Dans la foulée, on enregistrait le disque en Allemagne.

Un orchestre plutôt équilibré, sans contrastes superflus, sans heurts ou autres panneaux indicateurs, sert avantageusement deux heures et vingt minutes d'opéra, à l'aide d'un bon pupitre de bois dont on remarquera surtout l'excellence du basson et du hautbois ; le climat général de l'interprétation est grave, sans trop appuyer le caractère dramatique, dans une respiration toujours élégante. Le plateau vocal a ceci d'intéressant de nous faire entendre des voix grecques, ce qui est assez rare. Le mezzo-soprano Mary-Ellen Nesi est un Oreste attachant au timbre riche, à l'expressivité contenue, en cela en accord avec l'option du chef, offrant des vocalises bien réalisées, malgré des récitatifs manquant parfois de mordant. L'Ifigenia de Mata Katsouli semblera un peu limitée, avec une sonorité délicate tendant par moment à la manière. Le contreténor Nicholas Spanos donne un Filotete précis, touchant, tandis que le Pilade de Antonis Koroneos passe totalement inaperçu. Le barbare Toante bénéficie du beau timbre de la basse Petros Magoulas, et Maria Mitsopoulos propose une Ermione parfois gênée par une voix lourde, mais qui, cela dit, n'est ni mieux ni moins bien que certaines de nos toutes nouvelles stars que de gros labels accompagnent d'un marketing tapageur. Dans l'ensemble, un enregistrement qui se tient.

BB