Chroniques

par samuel moreau

Georg Friedrich Händel
Admeto, re di Tessaglia | Admète, roi de Thessalie

2 DVD Arthaus Musik + 2 CD (2006)
101 257
production saxonne de l'Opernhaus Halle (2006)

Moins connu que Radamisto, Giulio Cesare ou Rodelinda, Admeto est pourtant un des grand succès du XVIIIe siècle commençant, avec ses dix-neuf représentations données en une saison. Il appartient à cette série d'œuvres écrites par Händel loin du pays natal, lorsqu'il choisit de s'installer à Londres et de composer pour la Royal Academy of Music, haut lieu de l'opéra européen entre 1720 et 1728. Le 31 janvier 1727, sa création voit la réunion de chanteurs renommés dont la présence stimule la créativité du compositeur : le castrat Senesino (Francesco Bernardi) et les soprani Faustina Bordoni et Francesca Cuzzoni – furieuses rivales déjà engagées pour Alessandro, l'année précédente, et qui en viendront bientôt aux mains sous l'œil du public !

Pour le livret, Händel s'inspire de celui d'Aurelio Aureli (L'Antigona delusa da Alceste, 1660), mis en musique par Marcantonio Ziani. Bien sûr, dans l'esprit de la tradition dramatique vénitienne, Aureli enrichit la source originale – la mythologie, Euripide – avec des fantaisies parallèles qui, cinquante ans avant Gluck, nous font visiter les Enfers. Pour qui ne connaît pas encore l'intrigue, le générique de cette production saxonne de l'Opernhaus Halle (2006) la résume à merveille avant l'Ouverture.

Sur fond d'images changeantes, Axel Köhler propose un univers médical inquiétant (coma du roi de Thessalie, réparation d'Alceste, voix synthétique servant à la prophétie d'Apollo), comme pour mieux mettre en relief les moments de farce, avec bruits de moteurs et coups de fusil à l'appui. Nourri de gestes anodins, l'ensemble est vivant, mais l'absence de socle psychologique s'avère finalement dommageable, car l'on s'enlise dans l'anecdotique, voire l'ennui, lorsque toute bouffonnerie devient impossible, comme à l'Acte III – dans ce dernier, signalons aussi un passage aux sous-titres décalés, assez déstabilisant.

Pas toujours juste sur les phrases descendantes, Matthias Rexroth (le rôle-titre) se fait voler la vedette par ses confrères : Raimund Nolte (Ercole) un peu lourd sur le récitatif mais à la voix jeune et fiable ; Gerd Vogel (Meraspe) au grave coloré et au chant sonore – bien que souvent imprécis et savonné – ; Tim Mead (Trasimede) enfin, à l'expression nuancée, bien menée et pleine esprit.

Du côté féminin, on regrette le temps de chauffe assez long de Melanie Hirsch (Orindo) et le peu d'agilité de Mechthild Bach (Antigona), à l'impact bizarre, aux vocalises imprécises qui nous remettent en mémoire certains défauts reprochés à Sandrine Piau et Anne Sofie von Otter. En revanche, avec son timbre plus granuleux qu'éclatant, Romelia Lichtenstein livre une Alceste remarquable, joliment nuancée sur sa mort et à la colère magnifique de maîtrise vocale. En fosse, Howard Arman offre une conduite d'une grande tenue, ni échevelée, ni trop contrastée, sur instrument d'époque.

SM