Chroniques

par samuel moreau

Georg Friedrich Händel
Giulio Cesare in Egitto | Jules César en Égypte

3 DVD Opus Arte (2006)
OA 0950 D
au Festival de Glyndebourne en août 2005

S'inspirant d'un ouvrage d'Antonio Sartorio présenté à Venise en 1676, Georg Friedrich Händel et son librettiste Nicola Francesco Haym s'attellent à la conception de Giulio Cesare, un opéra en trois actes composé en 1723, lequel verra le jour le 20 février 1724. C'est la propre compagnie du compositeur, la Royal Academy of Music, qui en assure la création au Haymarket Theatre de Londres. Cosmopolite, sa distribution comprenant les contralti Senesino et Gaetano Berenstadt, les soprani Francesca Cuzzoni et Margherita Durastanti, l'alto Anastasia Robinson, contribua au succès de l'ouvrage, mais l'argument, des plus exotique, attira également le public : à Alexandrie, en 48 avant notre ère, Tolemeo et sa sœur Cleopatra se livrent à une course au pouvoir tandis que Cesare, en terre égyptienne, souhaite punir la mort de son digne rival Pompeo, pleuré par sa veuve Cornelia, mère d'un Sesto avide de vengeance. Oublié pendant près de deux siècles – de la production hambourgeoise de 1737 à sa réapparition à Göttingen, en 1922 ! –, l'ouvrage se dessine aujourd'hui comme l'opéra italien de Händel le plus représenté sur les scènes modernes, jouissant d'un respect auquel il n'eut pas toujours droit (coupures, traduction, transpostions, etc.).

Pour cette production enregistrée au Festival de Glyndebourne en août 2005, David McVicar jouit d'un décor d'une belle perspective pour faire débarquer, en conquérants, ses colons britanniques dans un orient fantasmé. La direction d'acteur s'avère efficace, notamment dans la rivalité entre frère et sœur, malgré quelques facilités – humour de mauvais goût ou recours au chien de la future reine d'Egypte, quand les idées manquent. De même, on aura préféré acrobaties et batailles aux nombreuses chorégraphies, séduisantes mais superflues. Le tout est judicieusement filmé, dans une belle lumière.

La distribution mérite également le détour. Rôle-titre vocalisant sans faille, Sarah Connolly allie fermeté et souplesse, délicatesse et franchise, sans miaulement ni finasserie. Avec un timbre rond et un legato d'une richesse incroyable, Patricia Bardon compose une Cornelia plus intéressante que souvent. Offrant une Cleopatra dans le plein de la voix, Danielle de Niese livre des moments surprenants, tel son lamento Piangero la sorte mia, où la rage rejoint l'abattement. Le Tolemeo de Christophe Dumaux est crédible ; la voix est intéressante, mais pas toujours bien conduite et avare en ornementation, à l'inverse de Rachid Ben Abdeslam, d'une puissance appréciable. Efficace dans les récitatifs, avec des aigus brillants mais faible en grave, la voix d'Angelika Kirchschlager paraît bien limitée pour le rôle de Sesto, sans doute mal distribué ; bien que plus souple, plus présent, plus fiable à l'Acte III, le soprano semble rétif à l'ornement. Baryton vaillant à la belle pâte vocale, Christopher Maltman présente un Achilla au désir réellement inquiétant. À la tête de l'Orchestra of the Age of Enlightenment, William Christie propose une lecture très plastique, à l'avancée évidente.

SM