Chroniques

par samuel moreau

Georges Bizet
Les pêcheurs de perles

1 DVD Dynamic (2004)
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une production enregistrée en avril 2004 au Teatro La Fenice de Venise

Beaucoup prédisaient au jeune Bizet (1838-1875), lauréat du Prix de Rome, un brillant avenir… Pourtant, peu de ses œuvres obtinrent un succès du vivant de leur auteur, et chacun sait que Carmen, opéra créé l'année de sa mort, reçut tout d'abord un accueil glacial. Figure familière du répertoire, facile à monter (quatre solistes plus un chœur), Les Pêcheurs de perles est une œuvre qui connut l'adhésion du public – en dépit d'une critique boudeuse. Représentée pour la première fois au Théâtre-Lyrique de Paris le 30 septembre 1863, elle connut dix-huit représentations. Sa reprise à La Scala de Milan, en 1886, installa définitivement sa renommée. C'est d'ailleurs en Italie, au Teatro La Fenice de Venise, que nous emmène cette production, enregistrée en avril 2004.

Sur les côtes de Ceylan, pour ne pas détruire leur amitié, le chef des pêcheurs Zurga et le chasseur Nadir ont promis de ne plus approcher la mystérieuse prêtresse voilée du temple de Candy, dont ils sont tombés tous deux amoureux. Mais celle-ci, accompagnant le grand prêtre Nourabad pour bénir la saison de la pêche aux perles, se trouble en reconnaissant Nadir. En effet, celui-ci n'a pas respecté le pacte et s'est rendu récemment au temple pour entendre les chants de la Vierge protectrice. À la nuit, les jeunes gens s'avouent leur amour, et sont surpris. Les villageois souhaitent la mort des blasphémateurs, de même que Zurga, d'abord réticent, puis fou de rage en reconnaissant Leïla, la prêtresse de Candy. Mais il reconnaît également, autour de son cou, un collier qu'il a offert jadis à une enfant quand, fuyard, elle l'avait caché au mépris de sa propre vie. Peu avant l'exécution, Zurga favorise la fuite des amants en mettant le feu au village.

Pas de grands effets pour cette mise en scène toute simple de Pier Luigi Pizzi : un plateau incurvé, un escalier, un monument doré. Les costumes colorés, sans raffinement excessif, s'accordent à la pauvreté des villageois – et les pieds sont nus. En revanche, quel feu d'artifice du côté vocal ! Le baryton Luca Grassi (Zurga) possède une voix large et un timbre des plus agréables. Son charisme n'est pas contestable. Face à lui, le ténor Yasu Nakajima (le coureur des bois), avec ses pianissimi délicats, ses aigus cuivrés, paraît plus élégant, peut-être parce qu'amoureux attendri. Douceur également chez la basse Luigi De Donato, à la belle diction mais dont la voix manque un peu de chair. Enfin, la soprano Annick Massis (Leïla) est proche de la perfection : voix cristalline, belle ligne de chant, vocalises impeccables.

À ces duos magnifiques d'émotion s'ajoute, entre tension et moelleux, la direction bouleversante de Marcello Viotti. Le chef nous a quittés en février dernier, pendant les répétitions de Manon, et nous regretterons longtemps ce serviteur d'une musique française trop souvent négligée chez nous.

SM