Chroniques

par laurent bergnach

Giacomo Puccini
Turandot

1 DVD TDK (2007)
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Giacomo Puccini | Turandot

Ultime opéra de Giacomo Puccini, l'inachevé Turandot repose sur le conte théâtral tragi-comique du Vénitien Carlo Gozzi (1720-1806), inspiré des Mille et une Nuits. Après avoir donné à la scène tant d'œuvres réalistes et sentimentales, le compositeur se tourne vers un univers fabuleux, plus en accord avec le goût artistique du public des années 1930 : une histoire d'amour fascinante, d'une cruauté barbare, où une princesse chinoise, qui s'interdit d'aimer et d'être aimée, voit toute sa résistance anéantie par la force de l'amour. Pour cette fable mystérieuse et sensuelle créée le 25 avril 1926, le langage harmonique du musicien se montre d'une hardiesse et d'une modernité déconcertantes pour qui oublierait que Dallapiccola témoigna d'un Puccini assistant à une représentation du Pierrot Lunaire, tout en suivant la partition que Schönberg dirigeait au Palazzo Pitti, un soir d'avril 1924. Le premier demanda même qu'on lui présente le second – « c'était encore l'époque, ajoute-t-il, où deux artistes aux personnalités et aux conceptions aussi différentes pouvaient trouver un terrain d'entente dans la passion commune qu'ils vouaient à leur art ».

Cette production de 2005, donnée pour la première fois en 1999 lors de la réouverture du Gran Teatre del Liceu (rebâti après l'incendie de 1994), n'est pas avare du faste qu'on est en droit d'attendre d'un tel ouvrage [lire notre chronique du 3 décembre 2004, lors de sa reprise montpelliéraine]. Si la direction d'acteur de Núria Espert parait bien pâlotte, les décors impressionnants d'Ezio Frigerio (détails compris) et les costumes magnifiques de Franca Squarciapino profitent de la profondeur de scène pour composer des tableaux presque cinématographiques. Dommage que la caméra surprend, dans cette masse humaine soumise aux pieds de l'Empereur, plus d'un figurant ou choriste peu concerné.

Malgré une prise de son assez bizarre, la distribution vocale constitue un intérêt supplémentaire à cette parution. Luana DeVol (Turandot compatissante durant les énigmes) ne manque pas d'ampleur et de nuance. Barbara Frittoli (Liú peu habitée) livre des aigus souplement nourris. Josep Ruiz (Altoum plein d'autorité) s'avère vaillant – plutôt que vieillissant, comme souvent. Dans leur trio qui rompt avec le comique habituel, Lluís Sintes (Ping) séduit par un timbre extrêmement généreux, Francisco Vas (Pang) par un chant ferme et riche en grave, David Alegret (Pong) par sa légèreté et la clarté de son timbre. Franco Farina est un Calaf honnête, hormis la pauvreté de ses graves et la brutalité de son aigu, parfois crié (si et contre-ut ingrats) ; pourtant, comme sur sa propre énigme – délicat morirò final –, il sait se montrer caressant. À la tête de la formation maison, la lecture de Giuliano Carella s'avère riche en contrastes et demi-teintes.

LB