Chroniques

par laurent bergnach

Giacomo Puccini
La fanciulla del West | La fille du Far West

1 DVD Arthaus Musik (2010)
101 393
Giacomo Puccini | La fanciulla del West

À se pencher sur la correspondance de Giacomo Puccini, on n'ignore plus l'importance que ce dernier accordait au choix de ses livrets, ni le motif de ses rejets. D'un sujet que lui soumet son ami le baron Angelo Eisner, par exemple, il écrit : « C'est de l'opérette courante, banale et décousue, avec ses habituels contrastes, ses festivités-prétexte à faire danser, sans étude de caractères, sans originalité » (14 décembre 1913). De D'Annunzio, regardé un temps comme le « premier talent d'Italie », il dira quelques années plus tard : « Mais pas pour tout l'or du monde ! Trop alambiqué, trop capiteux ! Je tiens à rester droit sur mes jambes ! » (15 mai 1900). De l'adaptation incompréhensible de la Conchita de Pierre Louÿs, il conclut en la rejetant : « Peut-être aurions-nous pu trouver d'autres contrastes, d'autres variations, des équivalents qui auraient atténué la monotonie du livret tel qu'il est » (11 avril 1907). Etc.

Ce qu'il faut au compositeur en train d'achever La Bohème, c'est clairement « […] poésie et encore poésie, tendresses et souffrances mêlées, sensualité aussi, dans un drame riche en surprises et avec un finale renversant » (18 juillet 1894). Il y a tout cela dans La Fanciulla del West – créé à New York le 10 décembre 1910, sous la baguette de Toscanini –, mais surtout cette envie de faire entrer l'opéra dans la modernité, dans la forme (prémisses du western spaghetti ?) comme dans le fond (vision existentialiste, sensible dans le questionnement de Minnie : « Qu'aurai-je pu faire de ma vie ? Qu'en pensez-vous ? »). Charnière entre l'Amérique des Indiens et celle des Andins, ce « pays maudit » (dixit Rance) n'est pas seulement propice à l'action – et la mise en scène d'Ivan Stefanutti est animée à souhait –, il l'est aussi aux nostalgies, aux mensonges et aux doutes.

En ce mois de juin 2005, composant un rôle-titre des plus crédibles, Daniela Dessi lui prête puissance et nuance, couleur et onctuosité. Face à cette solitaire attendant l'âme sœur, Lucio Gallo (Jack Rance) offre un chant ferme, bien conduit, tandis que Fabio Armiliato (Johnson/Ramerrez) se montre sonore, malgré un aigu un peu raide et étroit. Personne ne déçoit vraiment dans la quinzaine de petits rôles qui entoure ce trio amoureux, ni dans l'orchestre. Alberto Veronesi livre ainsi une exécution riche en détails, reliefs et contrastes. Certes, on pourrait reprocher une certaine crudité de la formation, mais n'oublions pas que nous sommes dans un théâtre à ciel ouvert, chez Puccini, à Torre del Lago.

LB