Chroniques

par samuel moreau

Giacomo Puccini
Manon Lescaut

1 DVD TDK (2005)
DVWW-OPMLES
Giacomo Puccini | Manon Lescaut

« En présence d'un public délirant d'enthousiasme, la représentation de Manon Lescaut fut splendide, elle fut même triomphale à la fin du troisième et du quatrième acte. C'est une œuvre authentique, présentée sans artifice ni prétentieuse fanfare, un succès qui peut être mesuré par la spontanéité des applaudissements et le nombre des rappels. »

Ainsi est rapportée, par la Gazetta Piemontese, la création de l'opéra deGiacomo Puccini, le 1er février 1893, au Teatro Regio de Turin. Le Maestro vient de passer trois années à le composer (1890-93), et ce premier grand succès fait voguer sa jeune roturière – « un quart féline, trois quarts évaporée », comme la définit Marcel Marnat – vers Buenos Aires, Rio de Janeiro, Sao Paolo, Madrid avant de s'installer à Londres, Moscou ou Bruxelles. Aujourd'hui cependant, avec notre connaissance des chefs-d'œuvre qui suivront, ce drame lyrique pâtit de faiblesse par sa musique et son livret.

Manon Lescaut est à Puccini ce qu'est Roméo et Juliette ou Tristan und Isolde pour ces célèbres confrères : l'hymne de deux amants seuls au monde. Si Massenet s'était déjà inspiré du roman de l'abbé Prévost pour les cinq actes de sa Manon (1884), Puccini voulu délaisser la poudre et les menuets pour « une passion désespérée » – soit un traitement à l'italienne ! L'attachement du Chevalier Des Grieux et de la jeune fille promise au couvent s'impose effectivement comme immédiat, indifférent aux préceptes de la morale, de la loi et ne trouve de rédemption que dans la mort. Connue comme réalisatrice de fiction depuis son François d'Assise (1966), et surtout depuis le sulfureux Portier de nuit (1974),Liliana Cavani met en scène cette production de la Scala, filmée le 11 juin 1998. Hélas, rien à relever dans cette reconstitution réaliste, si ce n'est l'amusante leçon de danse.

Déception également avec la présence peu charismatique, voire vulgaire de Maria Guleghina dans le rôle-titre. Le soprano russe manque de medium et ses graves sont toujours un peu creux. En revanche, quel art du legato, de la nuance, en particulier dans le haut-medium de sa plainte, au deuxième acte ! En Lescaut, Lucio Gallo pèche par ses carences hors les aigus et une voix assez petite, quoique que plutôt bien utilisée. Quant au Geronte de Luigi Roni, on pourrait jurer, à l'entendre, que son deuxième pied n'est pas loin de la tombe…

En revanche, rien à reprocher à José Cura : pourtant spinto, ce ténor offre un chant égal, tout en velours, jamais agressif, et incarne le personnage avec beaucoup de dignité – nous surprenant du même coup par sa crise de larmes désespérée que lui offre l'embarquement pour la Louisiane. Silvestro Sammaritano, en sergent, est sonore et bien distribué. La direction de Riccardo Muti, avare en rubato, s'avère nuancée et très dynamique.

SM