Chroniques

par laurent bergnach

Giuseppe Verdi
Jérusalem

2 DVD Arthaus Musik (2011)
107 329
Giuseppe Verdi | Jérusalem

Pour son quatrième ouvrage lyrique, Verdi (1813-1901) se tourne à nouveau vers Temistocle Solera, librettiste d’Oberto (1839) et de Nabucco (1842). Ce dernier s’inspire d’un poème épique et nationaliste signé Tommaso Grossi, I Lombardi alla prima crociata (Les Lombards à la première croisade), beau succès un quart de siècle plus tôt, en revisitant le chef-d’œuvre d’Il Tasso. Dans ce drame lyrique en quatre actes, Pagano revient à Milan où il a jadis agressé son frère Arvino par amour pour la belle Viclinda, son épouse. Avant que ce dernier parte à la tête des croisés en Terre Sainte, Pagano veut s’en débarrasser mais assassine leur père par erreur. Il s’enfuit pour vivre en ermite dans une grotte, près d’Antioche. Des années après, méconnaissable, il aide sa nièce Griselda, prisonnière du tyran musulman, amoureuse de son fils Oronte, et de ce fait maudite par Arvino. Pagano et Oronte trouvent la mort quand Jérusalem tombent enfin aux mains des chrétiens, à l’aube du XIe siècle.

Créé à Milan le 11 février 1843, I Lombardi alla prima crociata [lire notre critique du DVD] sert de canevas à Jérusalem, cinq ans plus tard, lorsque Verdi finit par répondre à l’invitation de Paris, alors friand de « grand opéra » italien (signé Rossini ou Donizetti). Alphonse Royer et Gustave Vaëz – duo responsable du livret de La favorite (1840) et de nombreux aménagements (Lucia di Lamermoor, Otello, Don Pasquale, etc.) – vont donc épurer et adapter le texte original en français. Roger, amoureux de sa nièce Hélène promise à Gaston, organise un complot qui vise le jeune Vicomte de Béarn mais voit tomber le Comte de Toulouse, son propre frère. Avant de s’exiler plein de repentir, il fait accuser Gaston d’en être à l’origine. Ce dernier est alors banni, arrêté par l’ennemi à Ramla, rejoint en prison par Hélène, dégradé en place publique par ses compatriotes qui libèrent le couple, sauvé par Roger avant son exécution puis félicité pour avoir combattu vaillamment, incognito. Blessé à mort, Roger avoue la vérité et recueille le pardon de son frère qui avait survécu.

Jérusalem est créé à l’Opéra Le Peletier le 26 novembre 1847, monstre adorable dont Verdi s’est pris d’affection, et accueilli par un succès que ne connaîtrait pas Gerusalemme… sa version italienne, présentée à Milan le 26 décembre 1847. Redécouvert depuis le milieu du XXe siècle, l’ouvrage fait l’objet d’une production au Teatro Carlo Felice (Gênes) en novembre 2000. Les gemmes de pacotille ornent presque chaque costume et les toiles peintes s’imposent au fil des actes, mais la direction d’acteurs du cinéaste Piergiorgio Gay n’est pas indigente. L’inévitable ballet « français », chorégraphié par Mauro Bigonzetti, ose une modernité pour le coup « exotique ».

Côté voix, si l’on excepte les soucis de diction, le spectateur est plutôt gâté, avec Ivan Momirov (Gaston), ténor lumineux et nuancé, Verónica Villarroel (Hélène) à la couleur chaude et au chant bien mené – magnifique Butterfly ! [lire notre chronique du 20 juin 2004] –, Alain Fondary (Toulouse) sonore et stable, ainsi que Carlo Colombara (Roger), d’une plénitude ronde et vaillante. Dans des rôles plus courts sinon éphémères, citons l’efficace Giorgio Casciarri (l’écuyer Raymond), Reda El Wakil (l’Émir de Ramla), Alessandro Patalini (Hérault) et Federica Bragaglia (Isaure). En fosse, Michel Plasson conduit un orchestre et un chœur maison agréablement fiables.

LB