Chroniques

par pierre-jean tribot

Gustav Mahler – Richard Strauss
Symphonie en ré majeur n°9 – Tod und Verklärung Op.24

2 CD Hänssler (2007)
PH 07004
Gustav Malher | Symphonie n°9

Prématurément décédé au cours d'une représentation d'Aida à Berlin en 2001, le chef Giuseppe Sinopoli était une baguette majeure de son époque. Né en novembre 1946 à Venise, il avait étudié la musique, mais aussi la médecine, la psychiatrie et l'anthropologie à l'université de Padoue, tout en suivant les cours de composition de Franco Donatoni et Bruno Maderna, avant de se former à la direction d'orchestre auprès de Hans Swarowsky, à Vienne. Compositeur à la forte personnalité, auteur de pièces pour grand orchestre et d'un opéra hautement inspiré – Lou Salomé, dont il exista un enregistrement chez Deutsche Grammophon –, Sinopoli fut successivement directeur des orchestres de l'Académie Sainte Cécile de Rome, du Philharmonia de Londres et de la célèbre et légendaire Staatskapelle de Dresde. Aussi bon chef en fosse qu'au concert symphonique, il nous laisse de très grands enregistrements : Ariadne auf Naxos, Salome et Elektra de Strauss, la Symphonie lyrique de Zemlinsky, un album Ravel/Debussy, Guerrelieder de Schönberg, des disques Berg/Webern, parus DG et Teldec, firme avec lesquelles il avait signé des exclusivités.

Auteur d'une intégrale inaboutie des symphonies de Mahler, lors de son passage à la tête du Philharmonia de Londres dans les années quatre-vingt, le chef n'eut pas la chance de pouvoir regraver ces partitions lors de son mandat dresdois. Seul un exceptionnel Lied von der Erde vint compléter ce corpus. C'est donc avec grand intérêt que l'on découvre ce nouveau volume de l'édition dédiée aux concerts de la Staatskapelle de Dresde par Hännsler.

Enregistrée en 1997, cette interprétation de la Neuvième de Mahler se caractérise par la lenteur assumée des tempi. Ainsi l'Adagio comodo initial dépasse-t-il la demi-heure. Sinopoli en profite pour sculpter les moindres détails de l'orchestration mahlérienne, faisant ressortir ça et là des traits inaccoutumés. Il en creuse l'instrumentation, allégeant parfois la main du compositeur pour faire respirer les différentes textures. Très analytique et chambriste, cette version offre de superbes moments, essentiellement dans les premier et dernier mouvements aux nuances absolument magistrales. Les mouvements centraux sont, eux, burinés avec acuité et énergie. La qualité de l'orchestre saxon n'est plus à décrire, mais il faut saluer les teintes chaudes et uniques des différents pupitres de vents et de cuivres. Pris isolément, cette interprétation se hisse aux sommets de la discographie aux côtés de Bruno Walter (EMI), Herbert Von Karajan (DG), Leonard Bernstein (DG), Karel Ancerl (Supraphon), Vaclav Neumann (Berlin Classics), Bruno Maderna (BBC), Pierre Boulez (DG), Daniel Barenboïm (Warner).

En complément, l'éditeur nous offre le poème symphonique Tod und Verklärung de Richard Strauss. Enregistrée en janvier 2001, quelques mois avant la disparition du chef, cette interprétation fort bien construite est magnifiquement servie par l'orchestre au passé straussien le plus impressionnant du monde. Cela étant, après les cimes de la symphonie de Mahler, on trouve tout de même une certaine raideur fonctionnelle à ce concert.

PJT