Chroniques

par laurent bergnach

Harrison Birtwistle
The Minotaur | Le Minotaure

2 DVD Opus Arte (2008)
OA 1000 D
Harrison Birtwistle | The Minotaur

Créées à Londres le 15 avril 2008, avec Antonio Pappano à la tête des Chœurs et de l’Orchestre du Royal Opera House, les treize scènes du nouvel opéra d’Harrison Birtwistle (né en 1934) content l'histoire du Minotaure en deux périodes distinctes : la première rappelle l'impôt de chair qu'Égée doit payer traditionnellement à Minos et nous fait assister à la mort des victimes passées de la clarté d'une plage aux profondeurs de la terre ; la seconde laisse s'exprimer le monstre du labyrinthe avant son exécution par Thésée. À chaque fois, les scènes sanglantes ont pour spectateurs une foule masquée en surplomb – assez semblable au public d’un combat de gladiateurs ou d’une corrida –, et se terminent avec l'apparition angoissante des Kères, divinités infernales aux allures d'oiseaux charognards.

L'épisode durant lequel l'héroïne sacrifie une colombe en surprendra plus d'un : « C'est une création de Harri et David [Harsent, le librettiste, ndr], explique Philip Langridge, qui incarne dans l’ouvrage le prêtre Hiereus. Dans le mythe, il n'est jamais expliqué comment Ariadne trouve l'idée du fil qui guide Theseus hors du labyrinthe, et dans l'opéra, il y a une scène où on lui transmet l'astuce ainsi que la bobine, lorsqu'elle consulte la Prêtresse Serpent, qui est la voix de l'Oracle. »

Fils du célèbre ténor, Stephen Langridge a remarquablement mis en scène l'ouvrage, gardant en tête que « les trois protagonistes souffrent des actes de la génération qui les a précédé ». Incarnée par la vaillante Christine Rice, l'omniprésente Ariadne est la première à confier son malheur et sa honte. Elle va faire du labyrinthe la clé de son évasion, n'hésitant pas à tricher (le galet dissimulé) ou à mentir (même à l'Oracle). Face au dégoût ambigu de Theseus – Johan Reuter, d'une belle et ronde ampleur –, son ambivalence est donc attachante, comme est touchante celle de l'hybride qu'accoucha sa mère.

Qui, en effet, ne prendrait en pitié Asterios, abruti par l'isolement qui est le sien ? Si son ossature et sa pilosité le rattachent à l'animalité, difficile de ne pas voir l'humain sous le masque-cage qui recouvre John Tomlinson. Son drame vient d'une parole intérieure, vivace lors des scènes oniriques, mais qui n'arrive que trop tard à passer ses lèvres.

Une dernière précision : complété par un documentaire d'une trentaine de minutes, cet enregistrement comporte une mise en garde de l'éditeur sur des « scènes de nature violentes et sexuelles ». Bien sûr, on ne glissera pas cette création dans la collection Ulysse 31 de nos enfants, mais quarante ans après la sortie du Satyricon de Fellini, cette précaution peut faire sourire ou, au contraire, inquiéter sérieusement.

LB