Chroniques

par laurent bergnach

Henri Dutilleux
musique de chambre

1 CD Label-Hérisson (2017)
LH 15
neuf artistes jouent la musique de chambre d'Henri Dutilleux (1916-2013)

Empêché par les bombardements de naître dans la région de ses ancêtres (Nord), le « Nantais » Henri Dutilleux (1916-2013) entre au Conservatoire de Douai en 1926 (harmonie, piano, etc.), puis à celui de Paris (1933). Il y reçoit l’enseignement de Noël Gallon (contrepoint, fugue), Henri Busser (composition), Maurice Emmanuel (histoire de la musique) et Philippe Gaubert (direction d’orchestre). Cinq ans plus tard, avec sa cantate L’anneau du Roi (1938), il obtient le Grand Prix de Rome. Mais une nouvelle guerre démarre, de laquelle le jeune homme s’évade par l’étude d’Indy, Stravinsky et Roussel, puis grâce à sa démobilisation en août 1940. Il est alors engagé comme chef de chœur à l’Opéra de Paris (1942), puis à la Radiodiffusion française (1944-1963). À partir de là, Dutilleux se consacre entièrement à la composition.

Le présent programme réunit six pièces chambristes de l’auteur de Correspondances [lire notre chronique du 16 septembre 2004], dont quatre duos incluant le piano : Sarabande et cortège (1942), Sonatine (1943), Sonate (1947), ainsi que Choral, cadence et fugue (1950). C’est dire l’engouement des interprètes pour ces pièces de concours écrites sous influences (Fauré, Ravel, Poulenc), alors même que Dutilleux a fini par rejeter ce qui précédait sa Sonate Op.1 (1948), dédiée à son épouse pianiste. À l’exception de rares moments retenus ou hiératiques, elles peinent à intéresser, caractérisées par une séduction facile qui plait aux oreilles paresseuses. Il n’empêche : Fanny Maselli (basson), Magali Mosnier (flûte), Nora Cismondi (hautbois) et Jonathan Reith (trombone) se succèdent pour les interpréter avec talent, accompagnés de Sébastien Vichard au clavier et portés par une belle acoustique (prise de son de Denis Vautrin, au Conservatoire national supérieur de musique de Paris).

En 1976, Dutilleux fait partie des douze compositeurs sollicités par Mstislav Rostropovitch pour un hommage au chef Paul Sacher fêtant ses soixante-dix ans. Quelque temps plus tard, il étoffe sa pièce pour violoncelle solo, donnant naissance à Trois strophes sur le nom de SACHER (Bâle, 1982). Bien connu pour défendre la musique de son temps [lire notre entretien de septembre 2003], Alexis Descharmes donne force couleurs et nuances à ces parties bien différenciées.

Diptyque pour hautbois, clavecin, contrebasse et percussion, Les citations a pour origine un autre anniversaire : les soixante-quinze ans du ténor Peter Pears (1910-1986). For Aldeburgh 85 (année de la résidence du Français au festival du Suffolk) est complété d’une seconde section, Interlude–From Janequin to Jehan Alain, dans laquelle on trouve mention de ces confrères lointains. Au fragment de Peter Grimes (1945) déjà présent, l’œuvre ajoute en 2010 une autocitation du ballet Le loup (1953), page très appréciée de sa compagne défunte. Malheureusement, ce bavardage ne suscite en nous aucune émotion, à peine un attachement à certains alliages timbriques. Là encore, le plaisir réside dans l’interprétation des artistes réunis autour de la hautboïste : Mathieu Dupouy, Axel Salles et Emmanuel Curt.

LB