Chroniques

par samuel moreau

Hugo Wolf
Mörike-Lieder

1 CD Harmonia Mundi (2006)
HMC 901882
Hugo Wolf | Mörike-Lieder

L'Autrichien Hugo Wolf (1860-1903) est le plus évident successeur de Schubert dans l'art du lied. Se consacrant presque exclusivement à cette forme musicale, il a laissé quelque trois cents morceaux pour lesquels il préférait l'appellation Gedichte (poème) für Stingstimme und Klavier. Outre les poètes allemands traités sur des thèmes espagnols (1891) et italiens (1896), près d'un tiers de ses Lieder datent de l'année 1888 : 40 Gedichten d'après Eichendorff, 51 Gedichten d'après Goethe et 53 Gedichten sur des poèmes d'Eduard Mörike. Pour ce dernier, pasteur sans vocation isolé en province (il finit par démissionner) et auteur associé à l'École de Souabe, la poésie se révèle un rempart contre les émotions extrêmes et les passions destructrices, empreinte de goût pour la légende, la naïveté, l'humour (Abschied) mais aussi l'érotisme (Begenung).

Entre le 16 février et le 26 novembre 1888, avec les joues « rouges d'excitation comme du fer fondu », Wolf met en musique cinquante-trois pièces du poète dont il possédait les œuvres depuis l'âge de dix-huit ans. L'enthousiasme est compréhensible : à l'exception de quelques ballades, les poèmes de Mörike ne se laissent enfermer dans aucune idée unique, ne comportent ni message ni intrigues univoques, et ne tendent vers aucun objectif précis. Au contraire, ils se présentent comme des fragments, des instantanés qui laissent deviner plus qu'ils ne montrent. L'ouverture d'esprit de l'un a donc stimulé la créativité de l'autre – chromatisme wagnérien, tonalité rarement établie d'emblée, etc. –, d'où ce cycle tout à la fois œuvre d'art total et marque de reconnaissance.

Après avoir enregistré Schubert et Schumann pour Harmonia Mundi, le Munichois Werner Güra poursuit l'exploration d'univers intimes. Des Mörike-Lieder, quasi folklorique, où se mêlent princes, jardiniers, chasseurs, esprits et amoureux, le ténor a retenu vingt-trois morceaux moins sensibles au portrait qu'à la peinture d'un paysage conduisant à celle des sentiments. Le sens de la nuance du chanteur (Im Frühling, Zitronenfalter im April, Lebe wohl), sa clarté, ses aigus fluides, ses graves solides (Der Tambour) font largement excuser quelques notes éraillées ou instables. Quant au jeu de Jan Schultsz, regrettons juste un manque de souplesse et de moelleux, lesquels n'auraient pas desservit l'ensemble.

SM