Chroniques

par laurent bergnach

Jörg Widmann
pièces avec cordes

2 CD WERGO (2015)
WER 7316 2
Le Quatuor Minguet joue un meta-quatuor (1997-2005) de Jörg Widmann

Ancien élève de Gerd Starke et Charles Neidich de 1986 à 1995, Jörg Widmann (né en 1973) déploie son talent de clarinettiste dans des formations variées, avec une prédilection pour le concile chambriste. Mais le virtuose s’affirme aussi compositeur, souvent récompensé, auquel on enseigna dès la fin de l’enfance (Westermann, puis Henze, Hiller, Goebbels et Rihm). En France, la création d'Am Anfang à l’Opéra Bastille fit largement connaître cette ambition [lire notre chronique du 13 juillet 2009 et notre entretien avec le musicien], le disque complétant notre connaissance de son travail [lire nos critiques des œuvres symphoniques, pièces pour ensemble et pour piano].

Rien d’étrange à ce que Widmann, qui adore jouer en comité réduit, écrive pour l’instrument à seize cordes ! Commande de concours, Streichquartett (Berlin, 1998) ouvre ce qui forme un grand cycle, un métaquatuor conçu entre 1997 et 2005. D’emblée, l’opposition entre sons craqués et flûtés annonce un expressionnisme qui envahit un paysage percé de rares mamelons, lesquels s’aiguisent par multiplication avant d’être recouverts d’une brume sombre anxiogène. Plus concentré, voire recueilli, Choralquartett (Hitzacker, 2003) accorde sa place au silence, évoquant de célèbres adagios haydniens (Die sieben letzten Worte…, 1787). Plus inquiet dans son dernier tiers, ce deuxième quatuor offre une échappée finale en forme d’élévation.

Loin de cette atmosphère de Passion, Jagdquartett (Badenweiler, 2003) brosse une chasse trépidante et virtuose (Jagd signifiant chasse, course, poursuite). Ce court scherzo du cycle regorge de cris récurrents qui la dynamise davantage, et surprennent, avec un certain optimisme frôlant parfois la cocasserie [lire notre chronique du 3 juillet 2005]. Borné par des souffles et des halètements, dépourvu de sous-titre, Quatuor n°4 (Essen, 2005) n’offre pas de direction précise. Les amorces lyriques sont sans cesse contrariées, comme pour mieux favoriser les contrastes et varier les climats. Le goût de Widmann pour les séquences inorthodoxes de Beethoven et les recherches timbriques y est particulièrement sensible.

Si les noms de Keller (n°2), Arditti (n°3) et Vogler (n°4) sont associés à la création des trois dernières pièces mentionnées, ceux d’Artemis et de Juliane Banse le furent à celle de Versuch über die Fuge (Cologne, 2005). Ici, c’est Claron McFadden qu’invite l’affûté Quatuor Minguet – Ulrich Isfort, Annette Reisinger (violons), Aroa Sorin (alto) et Matthias Diener (violoncelle). Là encore les références aux anciens abondent (Bach, évidemment), confiées en premier lieu à l’excellent soprano, en plus d'une écriture inventive, habile dans l’art de l’assemblage et de la prolifération. Enfin, le programme se clôt avec deux courts opus de 1993 : le Quatuor tiré de l’opéra Absences, nimbé d’un postromantisme wébernien, et le sextuor 180 beats per minute dont l’énergie emprunte à Bartók – en compagnie des violoncellistes Alexander Hülshoff et Andreï Simion.

LB