Chroniques

par laurent bergnach

Johann Georg Reutter
pièces variées

1 CD Ramée (2013)
RAM 1302
Mené par Jürgen Banholzer, La Gioia Armonica joue Reutter (1708-1772)

Fondé par Margit Übellacker (psaltérion) et Jürgen Banholzer (orgue), La Gioia Armonica explore le répertoire baroque, en particulier s’il inclut le pantaléon, ce tympanon de grande taille qui doit sa dénomination au prénom de son inventeur, le violoniste allemand Hebenstreit (1668-1750). Après un premier disque consacré à Antonio Caldara, l’ensemble à effectif variable s’intéresse aujourd’hui au peu connu Johann Georg Reutter (1708-1772).

Le musicien reçoit ses premières leçons de Reutter l’Aîné, son père organiste de la cour impériale et maître de chapelle à la cathédrale Saint-Étienne (Vienne), tandis que Caldara, alors vice-maître de chapelle à la cour, le forme à la composition. Il épouse la chanteuse-vedette Theresia Holzbauer et enchaine des postes influents et convoités : premier maître de chapelle de Saint-Étienne à la mort de son géniteur (1738), second (1747) puis premier maître de chapelle de la cour (1769). Liées à des restrictions budgétaires, différentes querelles empoisonnent sa carrière. Ainsi la ville dénonce-t-elle la fuite vers la cour des talents prévus pour la cathédrale, tandis que Reutter lui-même accuse le cavagliere di musica Durazzo et Gluck de recruter les meilleurs pour le théâtre. Cela ne l’empêche pas de régner sur la musique sacrée de la capitale autrichienne durant près de trente ans. Aujourd’hui, certains le jugent comme un maître mineur et transitoire, sans commune mesure avec Haydn qu’il recruta comme choriste à l’âge de sept ans, et Mozart qui recopia quelques-unes de ses pièces.

Dominé par les cordes, La Gioia Armonica regroupe huit instruments dont le dulcimer de la cofondatrice – assorti à un bref Allegro, le Pizzicato mystérieux en montre les délicats atouts. Plus que la grâce assez terne du compositeur, on apprécie leur compétence dans l’articulation baroque, jamais défaillante, au moment d’accompagner Monika Mauch, soprano précis, agile et doté d’une certaine verdeur timbrique qui parfois le tire vers l’enfance, et Stanislava Jirků, alto tout en onctuosité, d’une émission égale.

Partenaires occasionnelles, les voix se partagent cinq motets écrits sur une vingtaine d’années (1732-c.1753), lesquels célèbrent Dieu (Deus Pater paraclytus), Sainte Madeleine (Hodie in ecclesia sanctorum), Saint Wenceslas (Wenceslaum Sanctissimum), les justes (Justorum animae in manu Dei sunt) et le bon berger (Surrexit Pastor). Inspiré par Pasquini ou Métastase, le Viennois signe aussi quelques opéras et œuvres dramatiques de petite forme destinés à la famille régnante, dont témoignent quatre airs de ce programme empruntés à Archidamia (festa teatrale, 1727), La magnanimità di Alessandro (festa di camera per musica, 1729), Alcide trasformato in dio (dramma per musica, 1729) et La Betulia liberata (azione sacra, 1734).

LB