Chroniques

par anne bluet

Johann Rosenmüller
pièces avec chœur

1 CD Harmonia Mundi (2004)
HMC 901861
Johann Rosenmüller | pièces avec chœur

Johann Rosenmüllernaquit vers 1619, dans une Allemagne qui sera en guerre durant trois décennies. En 1640, il quitte Ölnitz pour Leipzig qui tombera deux ans plus tard aux mains des Suédois. Malgré ces événements politiques, le musicien deviendra en quelques années le compositeur le plus prestigieux de la ville. Heinrich Schütz, en particulier, avait remarqué son premier opus, Pavanes à trois voix, qui parut en 1645, mais c'est son travail à la tête d'un collegium musicum qui lui attira le succès et des propositions diverses, parmi lesquelles le poste de Cantor à l'Église Sainte-Croix de Dresde qu'il refusa pour garder ses privilèges à Leipzig. En 1655, une accusation de pédérastie met une fin brutale à sa brillante carrière : incarcéré, destitué de ses fonctions, il parvient à s'enfuir à Hambourg avant de s'installer à Venise. Il connaissait déjà la ville pour y avoir passé l'hiver 1645-46, et en avoir ramené des œuvres encore inconnues en Allemagne centrale. Grâce à lui, la musique sacrée allemande allait gagner en légèreté.

L'enregistrement que proposent le luthiste Konrad Junghänel et l'ensemble vocal Cantus Cölln qu'il a fondé en 1987, réunit plusieurs pièces écrites à divers moments de la carrière allemande de Rosenmüller et qui furent en leur temps exécutées à la Paulinerkirche. Le climat général est plutôt sereinement festif, et la réalisation affirme une clarté dont la passagère solennité est à même de célébrer ce qui, dans l'histoire de l'Église, deviendrait peu à peu le plus grand événement de l'année chrétienne (Pâques ayant occupé une place plus importante que Noël pendant quelques siècles).

Evangilium am Heiligen Christtage (Évangile du Saint Jour de Noël) se réfère à la psalmodie archaïque pour les parties de l'évangéliste et de l'ange, la partie instrumentale (2 violons, deux altos, 3 trombones) apportant au motet l'essentiel de sa modernité. Nihil novum sub sole (Rien de nouveau sous le soleil) est une symphonie concertante qui révèle les modèles italiens du compositeur ; le texte utilisé est un assemblage de versets bibliques et de littérature médiévale néolatine (strophe empruntée à Bernard de Clairvaux). Rien n'est solennel dans cette naissance du Christ célébrée de façon alerte et presque sensuelle.

Christus ist mein Leben (Christ est ma vie) s'appuie sur une compilation de versets bibliques terminée par un choral – participant ainsi à ce qui deviendra un modèle dans la tradition locale. L'œuvre, progressiste et très aboutie (comme cette apparente simplicité de l'harmonisation à cinq voix), remporta beaucoup de succès en son temps, grâce à une musique d'une grande douceur, à la mélodie riche et à l'harmonie dense. Gloria in excelsis Deo met en avant des chœurs virtuoses, proche du travail de Monteverdi, dont le texte mêle latin (Évangile de Luc) et allemand (Évangile de Jean), tandis que deux sopranos aigus, à l'éclat surnaturel, s'associent aux voix graves et terrestres des bergers.

Composé d'après un texte strophique quasi madrigalesque de Caspar Ziegler, Entsetze dich, Natur (Tu peux trembler, Nature) est une grande pièce dont une édition originale a été conservée. Jouée le 25 décembre 1649, sa disposition cyclique avec les deux refrains alternant était très novatrice. O nomen Jesu et Lieber Herre, deux chœurs à effectif réduit, appartiennent aux Adages, publiés en 1648. Pièces les plus courtes du disque, elles se distinguent par leur grâce mélodique, tandis que le plus conséquent Ich freue mich in Dir (Je me réjouis en Toi) apporte une touche plus affective à cette tendre et pieuse Weihnachtshistorie, accompagnée par les très experts artistes du Concerto Palatino. En tout point une réussite !

AB