Chroniques

par david verdier

Johann Sebastian Bach
Sonates pour viole de gambe et clavecin BWV 1027 à BWV 1029

1 CD Zig-Zag Territoires (2014)
ZZT 340
Johann Sebastian Bach | sonates pour viole de gambe et clavecin

Les partisans d'une interprétation de Bach sur instruments « modernes » seront sans doute ravis d'entendre une viole de gambe aussi opulente. Les deux copies modernes utilisées par Marianne Muller dans cet enregistrement donnent aux Sonates pour viole et clavier BWV 1027/29 un étrange caractère péremptoire et affirmé. La prise de son défavorise paradoxalement le clavecin de Françoise Lengellé, qui se trouve être également une copie moderne – en l'occurrence, celle de l’Heinrich Gräbner de 1739 conservé dans les collections du château de Pillnitz, à Dresde. Relégué en fond de scène, il semble picorer dans les mouvements rapides avec un motorisme assez plat.

La tendance continue à jouer l'archet vissé à la corde densifie dangereusement le grain naturel de l'instrument (Adagio de la Sonate en sol mineur BWV 1029 et Adagio introductif de celle en sol majeur BWV 1027). Les notes de passage disparaissent quasiment, tandis que des renflements malvenus surgissent dans les tenues. Pour un peu, on aurait envie d'accélérer l'impétuosité plombée de l'Allegro ma non tanto de la Sonate n°1 pour mieux profiter des arpèges de l'Andante. Les trois voix de la fugue notée Allegro moderato perdent toute homogénéité, entièrement noyée dans la résonance.

L'alternance lent-vif qui régit la Sonate en ré majeur BWV 1028 est sans doute ce que les deux instrumentistes réalisent le mieux. Les arabesques de l'Adagio ou de la sicilienne centrale enrichissent un flux mobile très énergique. La réverbération exagérée ternit quelque peu le plaisir qu'on aurait pu éprouver si les instruments avaient été captés dans un autre lieu.

La même remarque s'impose à l'écoute du discours profus et imaginatif de la transcription pour viole de la Sonate pour violon et clavier en sol majeur BWV 1019. Le rebond de l'archet perd de son acuité dans les échos vaporeux de l'acoustique. L'atavisme de la tessiture aiguë dans le mouvement central nous fera sans peine préférer la version originale. Un disque qui donne le sentiment d'un rendez-vous manqué…

DV