Chroniques

par samuel moreau

John Jenkins
pièces avec viole

1 CD Astrée / Naïve (2004)
E 8895
John Jenkins | pièces avec viole

Très actif dans la vie artistique londonienne du XVIIe siècle, John Jenkins (1592-1678) est un compositeur, un virtuose et un pédagogue dont on mesure souvent mal l'importance. À l'instar de compatriotes plus réputés pour leurs innovations, tels William Lawes ou Matthew Locke, il fit cependant évoluer la polyphonie quasi vocale de son époque – héritage de William Byrd, de Thomas Tomkins – vers un chemin purement instrumental, influençant par là même le futur Henry Purcell.

Né à Maidstone dans le Kent, le mystère demeure sur la formation musicale de ce fils de menuisier ; outre qu'il n'a pas été recruté par une maîtrise de cathédrale, ses professeurs nous sont inconnus. Il est probable, comme cela se pratiquait à l'époque, qu'il ait été formé par le maître en résidence dans une famille noble des alentours. Il devint en tout cas un virtuose de la basse de viole et du luth, passant d'une famille de l'East Anglia à une autre, sans être officiellement rattachée à une seule.

Parmi les huit cents œuvres instrumentales qui sont attribuées à Jenkins, plus d'une centaine concernent les fantaisies pour viole. Si cet instrument eût d'autres défenseurs – Richard Deering, Thomas Lupo ou Christopher Gibbons –, peu d'entre eux possède la souplesse mélodique, le lyrisme et l'originalité de sa musique. On peut trouver sur cet enregistrement plusieurs de ces fantazia, principalement pour six interprètes. La troisième et la huitième démontrent l'aisance du compositeur avec les harmonies sonores et les changements subtils de texture, la cinquième fait une référence explicite au Lachrimae de John Dowland. In Nomine 1 dissimule également une citation, celle du cantus de la Messe Gloria Tibi Trinitas de John Taverner.

D'autres pièces – la série de divisions en la majeur pour deux basses de viole – reflètent sa maîtrise de la division, c'est-à-dire l'art de composer, d'improviser des variations à partir d'une basse continue donnée. Citons enfin des morceaux plus légers et dansants : la Galliard en ré majeur, ou la Suite 3 pour deux violons, 2 violons et continuo, caractéristiques de ce qu'on nommait sonate à l'anglaise. La maîtrise des membres de l'Ensemble Jérôme Hantaï permet de d'apprécier cette musique élégante et nostalgique, sérieuse sans être vraiment recueillie.

SM