Chroniques

par laurent bergnach

John Luther Adams
Earth and the Great Weather

1 CD New World Records (1994)
80459-2
John Luther Adams | Earth and the Great Weather

« Je veux que ma musique ait une intégrité formelle. Et je la souhaite aussi physique que possible, pour toucher l'auditeur de la façon la plus directe. C'est l'équilibre éternel entre classique et romantique, l'Apollonien et le Dionysiaque. »

en 1953,John Luther Adams s'installe en Alaska au début des années soixante-dix, et s'inspire depuis de ses reliefs sauvages, de l'enseignement des autochtones pour nourrir son art. Peu à peu, il commence à explorer un territoire qu'il nomme « géographie sonore », une région entre lieu et culture, entre l'imagination humaine et le monde qui nous entoure. Earth and the Great Weather illustre bien ce propos, puisque l'œuvre est définie comme un voyage à travers les paysages physiques, culturels et spirituels de l'Arctique, au moyen de la musique, du langage et du son. Plus précisément, les paysages évoqués sont ceux de l'extrême Nord-est du 49ème état américain, patrie des Indiens Kutchin (à cheval sur le Canada) et des Inuits Iñupiat (au plus près de la Sibérie).

« Il y a plusieurs années de cela, je fus chargé d'une création pour New American Radio. En Arctique, j'ai enregistré des sons naturels aussi bien que le bruit du vent dans les cordes d'une petite harpe éolienne. Avec ces éléments, j'ai construit une pièce d'une demi-heure, qui incluait également la langue et le rythme des tambours des Inuits Iñupiat. » De là est né Earth and the Great Weather (1993), devenue une œuvre de soixante-quinze minutes en dix parties, où alternent passages pour cordes avec litanies (en plusieurs dialectes, évoquant d'un timbre apaisant le climat, la flore et la faune) et quatuor de percussions –formation reprise pour Strange and Sacred Noise (1997).

Devenu lui-même percussionniste durant l'adolescence, Adams voue une passion pour Franck Zappa qui le mènerait aux travaux de Cowell, Cage et Varèse. Mais ses deux influences artistiques avouées sont James Tenney – avec lequel il étudia en Californie – et Morton Feldman. Pour la présente pièce, toute de son et de poésie, le compositeur combine la construction intellectuelle rigoureuse du premier et la sensualité du second. Les plus savants qualifieront son esthétique de post-minimaliste, les plus rétifs de New Age ; mais tous s'accorderont sur sa nature méditative et introspective.

LB