Chroniques

par laurent bergnach

Jonathan Harvey
pièces avec piano

1 CD NEOS (2009)
10828
Jonathan Harvey | pièces avec piano

Les pièces de Jonathan Harvey (né en 1939) regroupées ici mettent à l'honneur le piano, qu'il soit seul, accompagné par une flûte ou encore par une bande enregistrée. Le plus long solo, Four Images After Yeats (1969) date de l'époque où Harvey étudiait encore auprès de Milton Babbitt – pionnier du mouvement sériel généralisé et de la musique électronique. Si les deux premiers mouvements ne renient pas l'héritage debussyste, le quatrième et dernier – singulièrement disproportionné et pourvu d'un titre (Purgatory) – se réfère plus largement à l'histoire de la musique pour piano, avec des citations de Bach à Scriabine, de Mozart à Schönberg. Comme l'écrit le poète irlandais : « l'esprit doit vivre les événements passés »…

« Hommage à un protospectraliste » – selon l'expression d'Harvey –, Tombeau de Messiaen (1994) fait intervenir une douzaine de pianos enregistrés, tous accordés en séries harmoniques, chacune basée sur l'une des douze catégories de hauteurs. « Le piano solo lui-même reste accordé normalement, mais lorsque l'équilibre est bon (c'est-à-dire, lorsqu'on ne peut plus distinguer le piano live et celui enregistré), le rôle du piano live consiste à fournir le grain, la résistance aux spectres, sans avoir l'air d'être tout à fait en dehors d'eux, en partie parce qu'il joue assez souvent les mêmes choses, ou bien, dans d'autres endroits, il place presque les mêmes hauteurs spectrales ». Utilisant le même genre de dialogue quelques années plus tard, le compositeur livre le bref Homage to Cage, à Chopin (und Ligeti ist auch dabei) (1998).

Condensation et concision structurent d'autres pièces n'excédant pas trois minutes : ff (1995) – qui invite Florian Hoelscher, jadis entendu lors d’une Semaine Marco Stroppa [lire notre chronique du 12 janvier 2005], à l'exubérance et à une distorsion sous forme de clusters aigus –, Haiku (1997) mais aussi Vers (2000), morceau lyrique et quasi improvisé où deux idées se croisent et s'interrompent mutuellement, tendant vers le point de fuite que représente la citation de Bhakti (1982).

Le reste de l'enregistrement fait entendre la flûte de Pirmin Grehl. On sait l'attachement de Jonathan Harvey pour les philosophies orientales – qui l'a conduit à écrire l'opéra Wagner Dream, s'inspirant d'un projet de l'Allemand autour du bouddhisme [lire notre entretien]. Nataraja (1983) est dédié au dieu hindou plus connu sous le nom de Shiva qui, par sa danse, détruit l'ancien et fait surgir le nouveau. Vive, sautillante et agitée, la pièce n'offre jamais vraiment d'apaisement. Enfin, Run before Lightning (2004) s'inspire d'une expérience vécue : la foudre tombant à proximité du compositeur.

LB