Chroniques

par laurent bergnach

Kaija Saariaho
sept œuvres aux Rencontres Utopik

1 DVD PrimaVista (2011)
Kaija Saariaho aux Rencontres Utopik

En 2004, tous passionnés par le répertoire des XXe et XXIe siècles et désireux de défendre des œuvres pas encore ou peu jouées, Michel Bourcier (organiste, chef d’orchestre), Marie-Violaine Cadoret (violon, alto), Ludovic Frochot (piano), Michel Grizard (guitare), Hédy Réjiba (percussions) et Gilles de Talhouët (flûte) créent l’Ensemble Utopik. Le collectif nantais à géométrie variable se fait d’abord connaître par une œuvre emblématique de l’après-guerre, Le marteau sans maître (1953-55) de Pierre Boulez, puis par les Rencontres Utopik. Celles-ci consistent en l’invitation de trois compositeurs par saison à venir rencontrer les habitants de la cité de différentes façons et en des lieux variés, chaque jour durant une semaine.

Après Pécou, Mulsant, Hersant (2007-08), Levinas, Markéas, Jolas (2008-09) [lire notre chronique du 13 mars 2009], Matalon, Canat de Chizy, Amy (2009-10) et Leroux, c’est au tour de la Finlandaise Kaija Saariaho (née en 1952) d’accepter cette résidence éclair. Pouvait-il en être autrement pour cette créatrice consciente du rôle de Sibelius (1865-1957) pendant la lutte pour l’indépendance de leur pays natal, laquelle comprit assez tôt combien « la musique pouvait avoir une place importante dans la société », et combien, pour elle-même, « chaque seconde sans la musique était perdue » ?

Filmé par François Gauducheau [et disponible sur le site de l’ensemble], le présent DVD reprend la quasi-totalité des deux concerts chambristes ayant marqué la fin de la résidence (atelier électroacoustique, répétition publique, etc.), à l’Auditorium du Conservatoire (jeudi 20 janvier 2011) et au Théâtre Graslin (le lendemain). On notera donc l’absence de Nocturne (1994), Fall (1991), New Gates (1996) et de deux pièces de Bach, ainsi que le « remplacement » de Michel Grizard par la harpiste Nathalie Henriet au sein de l’effectif original d’Utopik, et la présence de l’assistant informatique Franck Rossi.

Introduits par un bref commentaire, les œuvres se succèdent : le très impacté NoaNoa (1992) pour flûte et électronique, Six Japanese Gardens (1993-95) pour percussions et électronique – chaque pièce, bien caractérisée, donnant parfois l’impression d’une polyphonie –, Mirrors (1997) pour flûte et violoncelle, Serenatas (2008) pour piano, percussions et violoncelle (comme précédemment, ce dernier déçoit par un son métallique et agressif), Prélude (2007) pour piano, Sept papillons (2000) pour violoncelle (I, IV et VI) et Terrestre (2002) pour flûte, percussions, harpe, violon et violoncelle, qui oscille entre aqueux et gazeux, asphyxie et grande respiration.

Puisque ces archives s’accompagnent d’un entretien (10’) et d’un livret comportant seize questions à la compositrice, laissons à cette dernière le mot de la fin. À Gilles de Talhouët qui lui fait remarquer combien elle interrompt peu les interprètes en répétition, Saariaho [lire notre entretien] répond : « Je ne corrige pas les fautes des musiciens, sauf si je vois qu’il y a un vrai malentendu. Le plus souvent, j’essaie plutôt de comprendre leur personnalité. […] Je voudrais juste qu’un musicien vive une expérience personnelle en jouant ma musique. C’est pour cela que les interprétations sont différentes. À travers elles, ce sont les œuvres qui se mettent à respirer, la musique à vivre. Voilà ce qui est essentiel pour moi ».

LB