Chroniques

par laurent bergnach

Krzysztof Penderecki
Die Teufel von Loudun | Les Diables de Loudun

1 DVD Arthaus (2007)
101 279
Krzysztof Penderecki | Die Teufel von Loudun

Est-ce la relative passivité de l'Église catholique durant le règne nazi – sinon sa muette approbation – qui a encouragé, après-guerre, des dénonciations d'intrigues politico-religieuses dont Urbain Grandier est l'une des victimes les plus célèbres de l'Histoire ? Le 18 août 1632, après avoir été soumis à la question extraordinaire, ce prêtre est brûlé sur la place de Loudun, devant une foule venue en grand nombre. Au sortir des guerres de religion françaises (Henri IV signa l'Édit de Nantes en 1598), il est mal vu de s'opposer à Richelieu et à sa volonté de faire abattre les fortifications de la ville viennoise, derrière lesquelles on imaginait de possibles complots protestants.

Le Cardinal s'avère donc le principal responsable de la perte de Grandier, mais les trois actes de l'opéra de Krzysztof Penderecki nous en dévoilent bien d'autres, sans qui l'accusation de sorcellerie, de blasphème et de pacte avec le diable auraient moins porté : le pharmacien Adam et le chirurgien Mannoury, jaloux des succès amoureux du prêtre libertin, et Jeanne, la prieure du couvent des Ursulines, qui souffre autant de la bosse qui déforme son dos que d'une passion inassouvie pour Grandier. Plusieurs fois, il nous est dit que la religieuse n'a jamais rencontré le curé de Saint-Pierre-du-Marché, mais son obsession se mue en démonstrations hystériques qui s'ajoutent aux dénonciations d'athéisme des deux notables.

Parmi les ouvrages inspirés par ces événements, Die Teufel von Loudun fait directement suite au roman historique publié par Aldous Huxley en 1952 et à la pièce qu'en tira John Robert Whiting en 1961. Le drame lu en 1964 par Penderecki va le hanter jusqu'à la création de l'opéra, le 20 juin 1969, au Staatsoper de Hambourg. Le compositeur en rédige le livret d'après une traduction allemande et Henryk Czyk assure la direction musicale. La mise en scène réaliste de Konrad Swinarski participe au mélange de gêne et de déception qu'éprouve le public de la première.

Filmée quelques semaines après par Joachim Hess, c'est pourtant cette production que nous regardons aujourd'hui avec un extrême plaisir, en présence de Marek Janowski au pupitre et d'une distribution sensiblement identique à l'originale. S'ils en sont les principales vedettes, Tatiana Troyanos (Jeanne) et Andrzej Hiolski (Urbain) n'éclipsent en rien les autres protagonistes du drame, tels Ingeborg Krüger aux aigus éclatants (la jeune Philippe) ou Elisabeth Steiner d'un grave charnel (la veuve Ninon). Le syndicat professionnel de la critique ne s'y ait pas trompé en saluant cette année une sortie faisant rimer archive historique et originalité éditoriale.

LB