Chroniques

par laurent bergnach

L’orchestre
un portrait de Claudio Abbado et des musiciens de l’Orchestre Mozart

1 DVD EuroArts (2014)
2060738
un portrait de Claudio Abbado et des musiciens de l’Orchestre Mozart

Baigné par l’art musical par son environnement familial (père et sœur violonistes, mère et frère pianistes, fils directeur d’opéra, etc.), Claudio Abbado (1933-2014) fonde à Bologne, dix ans avant sa disparition, l’Orchestre Mozart. Sa spécificité est de réunir les meilleurs interprètes au monde, mêlant jeunes espoirs et musiciens chevronnés. Les seconds sont connus de longue date du maestro, depuis les collaborations avec les orchestres de Vienne et de Berlin, et comprennent le sens d’un regard ou d’un sourire ; quant aux premiers, Abbado n’a jamais caché son affection pour les cadets, aidant à la création du Gustav Mahler Jugendorchester (1986) ou de l’Orchestre de chambre d’Europe (1981), cofondé avec Harnoncourt et à l’origine de cet aveu :

« j'aime diriger ces jeunes et j'éprouve un infini plaisir à les guider. Ils possèdent tous une technique exceptionnelle ; ils font preuve d'un engagement et d'une fraîcheur qui m'enchantent. Ils ne sont pas encore marqués par certaines inerties, certaines habitudes, parfois difficiles à contourner. Je peux apprendre beaucoup d’eux » (in La symphonie des chefs, Robert Parienté, La Martinière, 2004).

Conçu par Helmut Failoni et Francesco Merini, ce documentaire repose sur une tournée européenne de 2012-2013 (Vienne, Palerme, Lucerne et Madrid). Disons-le d’emblée : à part quelques brèves interventions du chef mondialement estimé – ce qui lui valut des rencontres avec Castro et Gorbatchev –, la parole est laissée aux musiciens. En y mêlant parfois quelques souvenirs personnels (un père qui offre le premier instrument, une mère qui rappelle au semi-délinquant le sens de l’effort, etc.), beaucoup évoquent le mentor artistique : Claudia Schmidt (violon), Danusha Waskiewicz (alto), Johane Gonzalez (contrebasse), Lucas Macías Navarro (hautbois), etc.

Outre un film paisible qui s’éloigne du portrait hagiographique en redonnant sa valeur au concept de communion des esprits, la notice qui l’accompagne permet de découvrir une série d’entretiens réalisée par Failoni entre 2007 et 2013 – une dizaine de pages reproduites en italien et en anglais. Claudio Abbado y revient sur les origines de l’Orchestre Mozart sous l’impulsion de Carlo Maria Badini et Fabio Roversi Monaco (anciens directeur de la Scala et recteur d’Université), et sur ses diverses prises en charge (Pinnock, Gardiner, Matheuz, Haitink). Il insiste sur l’importance de l’écoute (comme au sein du Chœur Papageno, formé de prisonniers) et de faire de sa vie une quête sans fin, dégagée de la nostalgie mais ouverte aux larmes d’émotion.

LB