Chroniques

par stéphanie cariou

Leoš Janáček
Jenůfa

1 DVD TDK (2007)
DVWW-OPJENU
production du Staatsoper de Hambourg (filmée au Liceu de Barcelone)

Sur support DVD, il existe peu de captations de Jenůfa, le chef-d'œuvre de Janáček, exceptée la très belle production de Glyndebourne qui a fait date à juste titre. Celle du Staatsoper de Hambourg (filmée au Liceu de Barcelone) vient heureusement compléter cette lacune.

La mise en scène d'Olivier Tambosi est sobre et efficace. Une estrade sert à l’évolution des principaux protagonistes, le chœur étant placé le plus souvent autour – notamment lors de la chanson traditionnelle du premier acte où on la frappe avec les bouteilles d'alcool généreusement fournies par Steva. Deux grands murs de granges entourent cette estrade, de manière à constituer un cadre fermé et oppressant. Recourant à un ciel de fin de journée ensoleillée, ainsi qu'à un champ de blés blonds, le metteur en scène a voulu montrer que l'opéra n'était pas uniquement pessimiste – lors de la scène finale, le ciel de printemps se fait totalement bleu, afin d'exprimer un espoir venu avec le renouveau de la nature. L'Acte II baigne dans une lumière bleu sombre ; l'on peut voir un énorme rocher sur l'estrade. Lors du grand air de Jenůfa, deux grandes portes en fond de scène s'ouvrent sur des flocons de neiges tombant dans la nuit ; cette image simple est l'une des plus belles de la réalisation. Au dernier acte, le rocher a été dynamité ; ses restes sont éparpillés. Il symbolisait l'enfant, et ses morceaux les conséquences de la découverte du corps. Protagonistes et chœurs sont alors vêtus de noir, renforçant le côté oppressant de cette conclusion par la rigidité des villageois.

Convaincante, l'équipe a accompli un travail de diction précis. Elle est très largement dominée par Nina Stemme. Sa superbe voix de soprano dramatico-lyrique, ronde et liquide, resplendit et surmonte sans difficultés la tessiture du rôle. Crédible physiquement, elle joue parfaitement chaque aspect du personnage, insolent et vif au début – pour masquer son angoisse –, puis fragile et perdu au deuxième acte, enfin calme et mûre lors de son mariage manqué. Sans atteindre le même niveau vocal, Pär Lindskog possède une voix de ténor lyrique agréable, un peu tremblante ; son Steva est rendu insupportable par l'alcool, se laissant dépasser par les événements. Comme le rôle de Laca l’exige, Jorma Silvasti est une voix plus dramatique, puissante et assez bien projetée. Il exprime fidèlement les émotions du personnage, frustre au début, davantage sérieux et digne par la suite.

La voix d'Eva Marton paraît un peu usée ; sa Sacristine a l'autorité qu'il faut, et si son visage est inquiétant à l’Acte II, elle se montre plus humaine pour finir. Viorica Cortez est une Grand-mère Burya à la grande voix de mezzo-soprano dramatique, un peu fatiguée également, mais encore assez puissante. Totalement aveugle, elle erre sur la scène, témoin des échanges entre Jenůfa et Steva, puis entre Jenůfa et Laca. Les seconds rôles sont bien tenus, avec notamment Enric Serra, Begoña Alberdi (le juge et sa femme formant un couple peu amène), et Christiane Boesiger, intéressante Karolka. Les chœurs sont bien chantants. Le jeu de l'Orchestre du Liceu se montre parfaitement coloré, entraîné avec brio par Peter Schneider, qui a compris le drame et le soutient jusqu'au bout. Pour qui aime l'œuvre, les deux versions disponibles sur DVD sont indispensables.

SC