Chroniques

par laurent bergnach

Leoš Janáček
Z mrtvého domu | De la maison des morts

1 DVD Deutsche Grammophon (2008)
00440 073 4426
production aixoise de 2007, signée Boulez et Chéreau

De 1860 à 1862, Souvenirs de la Maison des Morts de Fiodor Dostoïevski (1821-1881) paraît sous forme de feuilleton, retraçant de façon autobiographique quatre années passées en Sibérie, au bagne d'Omsk. Contemporain de l'écrivain russe, Leoš Janáček (1854-1928) évoque l'œuvre lyrique qu'il est en train d'en tirer :

« [...] ce qui est, peut-être, mon plus grand ouvrage – l'opéra le plus novateur – je l'achève, excité au point que mon sang est près de jaillir, et je dois vivre tout cela comme si c'était englouti. Je voudrais chanter de joie – et je dois me taire. »

Après sa mort survenue quelque temps après cette lettre du 2 décembre 1927, deux proches élèves retouchent l'orchestration de l'ouvrage inachevé, défigurant le projet initial. Il faut attendre les années soixante pour revenir à une musique débarrassée de tout sentimentalisme.

Relevant le primitivisme puissant du compositeur tchèque qu'il oppose à un Berg, tout en ironie distanciée et sarcasme, Pierre Boulez remarque que l'ouvrage contient « des moments très durs exprimant la colère, la moquerie agressive, d'autres empreints de nostalgie ou de désespoir. Mais tout est direct : en un rien de temps, on saisit le sens de la musique, de ce qu'elle exprime, son effet est immédiatement là. »

Pas d'intrigue ici, mais une galerie de personnages qui prennent la parole à tour de rôle pour confier leur douloureuse histoire, entre l'emprisonnement et la libération de Goriantchikov. Pour Patrice Chéreau, le passage du livre à la partition prend la forme d' « un collage parfois naïf et magnifique qu'on retrouve en miroir dans l'hétérogénéité du matériau musical ».

Les plans variés de Stéphane Metge nous plonge au cœur de l'événement, sans dénaturer une mise en scène intemporelle et sans faille, conservant intacte l'émotion éprouvée à la découverte de cette production aixoise [lire notre chronique du 16 juillet 2007].

LB