Chroniques

par laurent bergnach

Louis Vierne
pièces pour violon et piano

1 CD Hortus (2018)
167
Dominique Hofer (violon) et Frédérique Troivaux (piano) jouent Louis Vierne

Repéré par César Franck quelques années plus tôt, le Pictavien Louis Vierne (1870-1937) entre au conservatoire de Paris à l’âge de vingt ans. Il devient le suppléant de Charles-Marie Widor, tant à sa classe d’orgue – et, de fait, à celle d’Alexandre Guilmant, lorsque ce cofondateur de la Schola Cantorum la reprend – qu’au grand Cavaillé-Coll de Saint-Sulpice. Si les querelles de Widor avec Gabriel Fauré, alors directeur du conservatoire, empêchent le jeune homme d’y enseigner, ce dernier peut s’en consoler avec un poste de titulaire de l’orgue de Notre-Dame de Paris, remporté à la suite d’un concours, en 1900. C’est d’ailleurs à la console abritée par ces murs que Vierne succombe à une embolie cardiaque, à soixante-six ans.

Ces dernières années, on ne cesse de redécouvrir les pièces du Parisien d’adoption [lire nos critiques de Clair obscur, Messe solennelle, et du Quintette pour piano par les Quatuor Ellipse et Quatuor Arthur-Leblanc]. L'exploration se poursuit aujourd’hui à travers trois opus, grâce à Frédérique Troivaux (élève de Bruno Rigutto, Konstantin Bogino, Mūza Rubackytė, etc.) et Dominique Hofer (élève de Dominique Hoppenot, Svetlana Bezrodnaya, Sergueï Diatchenko, etc.). La première joue un Fazzioli 228 quart de queue, le second un violon ayant appartenu à son grand-père, Étienne Delord.

Écrite peu avant le mariage de Vierne avec la fille du baryton Alexandre Taskin, Suite bourguignonne Op.17 (1900) n’annonce en rien les ombres à venir – la séparation d’avec Arlette (1909) et le décès de leurs deux fils (1913 et 1917). Franck Besingrand, auteur de la notice, la qualifie « d’une joie juvénile […] au croisement des influences de Franck, Fauré et Chabrier ». Créé salle Érard par sa dédicataire Juliette Toutain, le cycle remporte un vif succès, si bien que des sept portions originales quatre sont adaptées pour l’orchestre (1910), de même que les cinq extraits ici retenus invitent un duo. Les titres en annoncent le caractère apaisé (Idylle, Clair de lune) ou bondissant (Danse rustique, Aubade).

Moins d’une décennie plus tard, salle Pleyel, résonne la Sonate en sol mineur pour piano et violon Op.23 (1908). Les deux musiciens engagés sont Raoul Pugno et son frère de cœur, Eugène Ysaÿe. Au compositeur, ce dernier confie : « depuis celle de ton maître Franck [1886], je n’ai rien joué qui me fasse un tel effet. Il y a dedans tout ce que j’aime, solidité de forme, originalité des idées, invention réelle dans les développements, charme et force ». Au fil des quatre mouvements, on croise des climats épiques où la phrase de piano s’avère lyrique, des cordes inquiètes ou légères au point de voleter, ou encore un humour caustique propre à son auteur.

Inspiré par Tourgueniev, Ernest Chausson dédie Poème (1896) à Ysaÿe, où l’instrument du virtuose dialogue avec l’orchestre. Très attaché à l’œuvre, le Belge l’impose à plus d’un programmateur, et compte sur Vierne pour l’associer à une autre, tout aussi talentueuse. De ce projet nait Ballade Op.52, conçue en 1926 et dédiée, en définitive, à Jacques Thibaud. Pour la première fois au disque, nous entendons une version où le piano remplace la formation originale.

LB