Chroniques

par pierre-jean tribot

Ludwig van Beethoven
Quatuors à cordes Op.59 « Razoumovski »

2 SACD Harmonia Mundi (2005)
HMU 807423.24
Ludwig van Beethoven | Quatuors à cordes Op.59

Les quatuors de Beethoven ne cessent d'attirer les jeunes formations, alors que les plus anciennes se plaisent à remettre leur ouvrage sur le métier. Le Quatuor de Tokyo fut fondé en 1969 à la Julliard School of Music de New York par des étudiants japonais issus de la sévère Toho School of Music de Tokyo où officiait le légendaire Hideo Saito – dont le chef d'orchestre Seiji Ozawa fut aussi l'élève et qui donna son nom à l'orchestre du festival de Matsumoto qu'il dirige.

Mais les formations de chambre évoluent et le cercle des fondateurs s'est métamorphosé : en 1999, le violoncelliste Clive Greensmith, ancien chef de pupitre du London Philharmonic, puis le violoniste Martin Beaver en 2002, ont fait leur entrée dans l'auguste formation aux cotés deKazuhide Isomura et Kikuei Ikeda. En 1995, les instrumentistes se sont vus confiés par la Nippon Music Fondation des Stradivarius ayant appartenus à Paganini.

Pour ce double album que l'on espère être le premier d'une nouvelle intégrale des quatuors du Grand sourd, le choix s'est porté sur les trois Quatuors Op.19 dédiés au comte Razoumovski, protecteur et ami de Beethoven. L'histoire de ces œuvres est connue : en 1806, après une latence de six ans, le compositeur se lança dans l'écriture d'un triptyque révolutionnaire : la construction classique rime ici avec l'incroyable maîtrise de son art. D'une rigueur architecturale et d'une hauteur d'inspiration sidérantes, ces trois pages sont révélatrices des qualités ou des défauts des ensembles de chambre. Servis par une prise de son d'un réalisme exceptionnel, les quatre musiciens nous livrent une véritable leçon de style et d'écoute mutuelle. Les nuances sont dosées avec justesse, l'équilibre est réglé au millimètre près, et les choix de tempi sont idéaux. On a parfois l'impression que ces artistes se régalent à prouver ce dont ils sont capables, mais cette démonstration ne se fait pas au détriment de la musique qui coule ici avec une rare évidence.

Certes, la discographie est aussi vaste quantitativement que qualitativement, mais il faut saluer ce maître disque qui s'impose aux côtés de l'enregistrement du Quatuor Pražák comme la référence moderne de cet opus.

PJT