Chroniques

par hervé könig

Ludwig van Beethoven
Sonates pour piano n°5 – n°17 – n°23

1 CD Lyrinx (2003)
LYR 2222
Ludwig van Beethoven | sonates pour piano

Jonathan Gilad, qui nous offre ces trois sonates pour piano du jeune Beethoven, est né à Marseille en 1981. Il commence l'étude du piano à quatre ans, puis devient élève au Conservatoire de la ville. En 1991, il remporte son premier prix : Prix spécial du jury, au concours Mozart. Viendront ensuite des récompenses (Salzbourg, Marseille, Victoires de la Musique...) et des tournées internationales. Il a étudié avec Karl-Ulrich Schnabel, Leon Fleisher, Fou-Tsong, Dimitri Bashkirov, et travaillé avec des chefs prestigieux tels Daniel Barenboim ou Seiji Osawa.

La Sonate n°5 en ut mineur Op.10 n°1 (1797) qui ouvre le disque porte la marque de Haydn et Mozart. Mais au delà de l'influence, on remarque déjà l'amorce du piano romantique. La forme sonate est présente dans chacun des trois mouvements : allegro molto e con brio, adagio molto et finale. Si l'on reconnaît à Jonathan Gilad une articulation satisfaisante, il faut signaler une tendance à heurter son instrument. Les aigus du premier mouvement sont brutaux, alors qu'il sait rendre moelleux des développements plus tendres, quand il veut. Il semble qu'il pose les uns à côté des autres des climats et des affects, en oubliant de construire une lecture d'un bout à l'autre. Sachant que les nuances sont relatives entre elles, bien évidemment, il n'obtient qu'un résultat décousu dont les contrastes ne suppléent pas la dynamique inexistante. Dans l'Adagio molto, le jeune homme offre un son plus discret, plus égal, faisant se rejoindre Mozart et Schubert avec un réel bonheur. Ce passage est un petit bijou à lui tout seul. Puis vient le Finale prestissimo à nouveau exposé avec chaos.

Au début du XIXe siècle, le compositeur cherche à bousculer la forme et à « suivre de nouveaux chemins ». Cette évolution est notable dans la Sonate n°17 en ré mineur Op.31 n°2 connue sous le nom deLa tempête (1802). Gilad entre très délicatement dans le Largo initial, mais durci vite sans mesure les piquées qui suivent les premiers arpèges. On sent bien que ses possibilités sont grandes, et que tout chez lui est problème de proportion et de dosage. Il est encore très jeune, le goût n'est manifestement pas formé, et la maîtrise – autre que technique – n'est pas au rendez-vous. C'est, somme toute, normal de la part d'un pianiste de vingt-trois ans, n'est-ce pas ? Ce qui l'est peut-être moins, c'est de l'entourer d'un système de compliments et de vedettariat qui ne peut que le desservir pour le moment. Ne saurait-on attendre un peu, s'il vous plait ?...

Sous-titrée après coup Appassionata par un éditeur, la Sonate en fa mineur Op.57 n°23 (1805) commence dans la douceur et la gravité. Mais une fièvre est sensible dans ce premier mouvement, qui gagnera le troisième. Entre les deux, un passage andante con moto n'est cependant pas dénué d'angoisse. Là encore, l’interprète accentue les contrastes, donne une lecture mal dégrossie, nerveuse, sans les avantages d'une approche véritablement massive et sculpturale : en fait, tout donne à croire que le pianiste ne sait pas pourquoi il joue comme ceci ou comme cela, qu'il laisse son jeu papillonner d'indication en indication sans grande compréhension de son rôle comme de sa mission. Pour conclure : il ne sert à rien de croire obligatoire d'avoir à se prononcer aujourd'hui sur le travail de ce garçon ; attendons d'autres aventures...

HK