Chroniques

par laurent bergnach

Luigi Nono
Intolleranza 1960

1 CD Warner Classics & Jazz (2010)
2564 68021-6
Bernhard Kontarsky joue Intolleranza 1960, l'action scénique de Luigi Nono

En 1962, Luigi Nono (1924-1990) le rappelle à la revue La rassegna musicale : lorsque son confrère Mario Labroca l’invite à mettre en chantier Intolleranza 1960 entre octobre et décembre de l’année en question, pour La Biennale di Venezia, voilà des années qu’il réfléchit aux possibilités du théâtre musical – dont témoigne une rencontre avec Italo Calvino, notamment.

Cette « action scénique » pour solistes, chœur, orchestre et bande magnétique repose non seulement sur les mots d’Angelo Maria Ripellino (Vivere è stare svegli), librettiste du projet, mêlés à d’autres signés Henri Alleg (La Question), Bertolt Brecht (À ceux qui naîtront après nous), Paul Éluard (Liberté), Julius Fučík (Écrit sous la potence), Vladimir Maïakovski (Notre marche) et Jean-Paul Sartre (« Une victoire »), mais aussi sur les événements sociopolitiques du moment (accident de mine en Belgique, crues du Pô, lutte des Algériens, tentative de restauration fasciste et débordements néo-nazis). Pour le compositeur communiste, en effet, ces derniers sont des « provocations » qui trahissent l’oppression indirecte d’une classe par la négligence d’une autre, laquelle cherche toujours à se disculper – « La faute est au méthane », explique une voix anonyme, diffusée par haut-parleur, pour expliquer des affaissements de terrain bien peu naturels.

Créée le 13 avril 1961 à La Fenice, sous la direction de Bruno Maderna, l’œuvre est dédiée à Arnold Schönberg – « en raison de La main heureuse ». Elle se présente comme « le réveil de la conscience d’un homme (un mineur émigrant) qui, se révoltant contre une contrainte née du besoin, cherche une raison, un fondement humain de vie. » Ses deux parties comportent treize scènes qui détaillent les derniers jours de l’Emigrante : décision de quitter un pays de mineurs où il souffre de l’oppression et du mal du pays, arrestation suite à une manifestation politique, torture lors d’un interrogatoire, internement dans un camp de concentration, évasion, puis disparition dans les flots d’une rivière sortie de son lit. Au final, malgré tout, il reste la certitude que « l’homme deviendra un appui pour l’homme ».

Avec le synopsis de l’ouvrage mais sans livret, Warner Classics and Jazz réédite le coffret Teldec Classics paru en 1995, lequel conservait la mémoire des représentations de Stuttgart, en mars 1993, dans la version allemande d’Alfred Andersch et sous la direction de Bernhard Kontarsky. Dominé par le chœur qui, d’emblée, livre sa conception d’une existence idéale (« Vivre c’est demeurer éveillé et se consacrer aux autres »), l’enregistrement en salle offre un couple vedette efficace dans l’approche de parties tendues : David Rampy (émigrant) et Urszula Koszut (sa compagne).

LB