Chroniques

par hervé könig

Marinus de Jong
œuvres avec piano

1 CD Phædra (2004)
DDD 92034
Marinus de Jong | œuvres avec piano

Né aux Pays-Bas en 1891, le Belge Marinus de Jong a poursuivit de nombreuses activités musicales : pianiste virtuose (tournée aux États-Unis en 1921), professeur (piano, fugue, contrepoint) et bien sûr compositeur. Jusqu'à sa disparition en 1984, il a laissé une œuvre variée qui comprend trois opéras, quatre symphonies, six quatuors à cordes, etc. Le présent disque s'attache à ses œuvres pour piano.

Construite en forme de suite à sept mouvements, Ballade Op.3a Ex Vita Mea (1917) est un poème virtuose, marquant la musique flamande pour claviers de l'époque. Son auteur y reviendra d'ailleurs en 1979, la transcrivant pour grand orchestre symphonique – Ballade Fantastique Op.3b. Elle s'orne de couleurs largement schumaniennes et postromantique, et surtout arbore un air de famille, comme toute la musique signée de Jong, d'ailleurs, avec les préludes et études de Rachmaninov. Seul le Final, un rien pompeux, est peut-être moins typique de l'écriture de l'auteur.

De Jong est un impressionniste à la créativité jouisseuse qui ne résiste pas aux influences les plus diverses : les vieux modes d'église, la chanson populaire néerlandaise ou encore le jazz. Le chant grégorien, principalement, prendra une place récurrente dans sa production suivant la Première Guerre mondiale. Les Six Préludes Op.5 (1921) en sont un bon exemple. Mais ce mélange de lamentations, de mélancolie et de tumulte est aussi un hommage au cher Scriabine.

Hiawadha's Lied Op.37 (1933-1947) est un oratorio, basé sur l'adaptation libre – par le poète flamand Guido Gezelle – de l'épopée indienne de l'Américain H.W. Longfellow. Trois Scènes indiennes pour deux pianos seront extraites de l'œuvre, en 1936 : Wahonowin, Pau-Puk-Keewis et Hiawatha and the Pearl-Feather. En 1956, de Jong adapte encore deux scènes, pour piano seul cette fois : Scherzo-Idylle. En 2002, comme deux autres parties de cette suite, Jozef de Beenhouwer en proposa une transcription pour deux pianos. Le pianiste est accompagné par Daniel Blumenthal sur ces derniers morceaux. Les esthétiques y sont étrangement mêlées. Ainsi y reconnaîtra-t-on des influences françaises dans une certaine manière de s'adonner à un pétillement festif d'une fraîcheur charmante, mais également celle d'Hindemith dans la construction de la courte fugue du dernier mouvement, avec par endroit une gravité qui rappelle Scriabine à nouveau, tout en ne reniant jamais une tendance à l'héroïsme wagnérien. Qu'on ne s'y trompe pas : la musique de Jong ne manque pas de personnalité pour autant qu'elle sache reconnaître ses pères.

Enfin, accompagné par l'Orchestre Philharmonique BRTN de Bruxelles que dirige Silveer van den Broeck, Jozef de Beenhouwer joue en ouverture du programme de ce disque le Concerto en ré majeur Op.21 n°1 (1924). Cette œuvre parvient à concilier son propre style d'écriture modale avec un idiome postromantique. La musique russe, comme précédemment, trahit ici son influence. Les artistes réunis pour cet enregistrement donnent une lecture d'une belle sensibilité, articulant dans une rondeur de son joliment travaillée le Larghetto central.

HK