Chroniques

par laurent bergnach

Mariss Jansons et les Wiener Philharmoniker
Brahms – Strauss – Wagner

1 DVD EuroArts (2013)
2072628
Mariss Jansons joue Brahms, Strauss et Wagner

Moins d’une semaine après l’ouverture d’une nouvelle édition du Salzburger Festspiele par Valery Gergiev [lire notre critique du DVD], c’est au tour de Mariss Jansons de prendre la tête des Wiener Philharmoniker, les 4 et 5 août 2012. Au programme russe du directeur général du Mariinski répond une soirée romantique allemande ayant pour signataires Brahms, Strauss et Wagner – bien peu palpitante, disons-le d’emblée.

Avec régularité, la manifestation rend hommage à l’un de ses initiateurs, Richard Strauss (1864-1949), dont elle fit entendre Alpensinfonie [lire notre critique du DVD] et Die Frau ohne Schatten [lire notre critique du DVD] tout récemment, sous la battue de Christian Thielemann. En 1888, le futur créateur de Till Eulenspiegel Op.28 [lire notre critique du CD] a vingt-quatre ans et s’inspire du poème dramatique Don Juan (1844), écrit par Nikolaus Lenau, pour un poème symphonique éponyme créé à Weimar, le 11 novembre 1889. Son opus 20 met en musique les désirs du libertin mythique, sa quête de jouissance et de satisfaction, dans l’insouciance et la désinvolture, avant l’abattement final. Ardent sans excitation ni expressivité inopportunes, le chef letton offre légèreté et grâce, dans un bel élan, à une partition somme toute verbeuse.

Mieux connu sous le titre de Wesendonck Lieder (1862), Fünf Lieder für eine Frauenstimme nach Gedichten von Mathilde Wesendonck WWV 91 parle également d’attirance et d’amour, mais dans un esprit de partage que sublime Tristan und Isolde (1865) [lire notre critique du DVD]. Der Engel permet de goûter au chant facile et velouté de Nina Stemme, à son legato raffiné, tandis que l’orchestre intensément fluide offre des traits soignés, sans tape-à-l’œil sur Stehe still !. Im Treihaus confirme la méforme du soprano suédois habitué à cette partition [lire notre critique du CD], mais aussi sa grande maîtrise technique qui permet d’avancer au mieux. À l’écoute, souple et courtois, Jansons permet à la chanteuse de faire régner couleur et chaleur, ainsi que beauté de son grave (Schmerzen) et intelligence du texte (Träume).

Écrite dans l’ombre du « géant » Beethoven à partir de 1862 – durant quatorze longues années de découragement –, la Symphonie en ut mineur Op.68 n°1 de Brahms voit le jour le 4 novembre 1876, grâce à l'orchestre grand-ducal de Karlsruhe conduit par Felix Otto Dessoff. Ce retour à la grande symphonie classique au temps du romantisme tardif, dont l’élaboration n’est « pas qu’un amusement, mais bien une plus une question de vie et de mort », n’échappe pas à la recette et au procédé – au point que l’on songe à Sciarrino soulignant « l’éternité proclamée » de ce genre trompeur.

Malgré les qualités de Mariss Jansons pour rendre le tragique du premier mouvement à l’aide de cordes musclées, la partition l’entraîne à pontifier. De même, lorsque cette dernière livre des Andante et Adagio plus légers, on admire le courage de notre collègue qui résistait au sommeil lors de l’inauguration d’une intégrale, cet automne à Paris [lire notre chronique 26 octobre 2013]…

LB