Chroniques

par anne bluet

Max Bruch – Felix Mendelssohn
Concerto en sol mineur Op.26 – Concerto en mi mineur Op.64

1 CD Sony Classical (2003)
SK 87740
Bruch – Mendelssohn | concerti pour violon

Quatre concertos pour violons ont marqué l'histoire musicale allemande du XIXe siècle : celui de Beethoven, celui de Brahms, et les deux que nous propose ici ce disque brillant... Virtuose reconnu, se produisant parfois sur scène, Felix Mendelssohn (1809-1847) n'aimait pas séduire le public avec de la musique tape-à-l'œil. « Pourquoi devrai-je entendre ces Variations de Herz pour la trentième fois, confiait-il à son ami Ignaz Moscheles. Elles me procurent aussi peu de plaisir qu'un funambule ou qu'un acrobate. [...] J'aimerais seulement que ce ne soit pas mon lot de m'entendre sans cesse répéter que c'est là ce que réclame le public ».

Son Concerto pour violon en mi mineur Op.64, écrit entre vingt-neuf et trente-cinq ans, lie de façon harmonieuse et équilibrée la virtuosité à une pensée musicale profonde. Commencée en 1838, l'œuvre en trois mouvements est créée le 13 mars 1845, au Gewandhaus de Leipzig, la ville du musicien. Mendelssohn semble avoir eu de nombreux doutes au sujet de cette partition, au point qu'il demanda conseil au violoniste Ferdinand Gade et au compositeur danois Niels Gade qui allait diriger l'orchestre. Sûr de lui mais inquiet de la réaction du public, il précise encore : « J'ai le sentiment de progresser à chaque morceau et de mieux parvenir à écrire exactement ce que j'ai dans le cœur ; et c'est après tout la seule règle que je connaisse. Si je ne suis pas fait pour la popularité, je n'essaierai pas de l'acquérir ». Angoisse justifiée mais inutile : le public fit une ovation au Concerto, devenu très vite un classique.

La lecture qu'en donne ici la violoniste japonaise Midori jouit d'une clarté d'articulation tout à fait appréciable, d'une sonorité volontiers chantante, sans accentuer outre mesure les contrastes ou la dynamique. Élève de Sandor Vegh, Thomas Hengelbrock ou encore Thomas Zehetmair, Midori approfondit son art en participant aux productions d'opéras de René Jacobs. Elle joue aujourd'hui avec l'orchestre Anima Eterna (animé par Jos van Immerseel) et l'Akademie für alte Musik de Berlin (ville où elle réside). Elle se produit régulièrement en soliste et enseigne à Weimar. C'est l'Orchestre Philharmonique de Berlin qui l'accompagne dans ce disque, offrant comme à son habitude un pupitre de bois splendide de précision et de couleurs, sous la baguette houleuse de Mariss Jansons qui conduit une version exacerbée, plus spectaculaire que réellement profonde.

Héritier de Mendelssohn plutôt que continuateur des recherches de Liszt ou Wagner, le compositeur et chef d'orchestre Max Bruch (1838-1920) est représentatif du romantisme allemand tardif. Des trois concerti écrits pour le violon, le Concerto en sol mineur Op.26 est le plus connu. Lui-même le dirigea à la création, en 1866, et prédisait que c'est de cette œuvre qu'on se souviendrait après sa mort. Après la première exécution, avec l'aide du violoniste Joseph Joachim qui en exécute la nouvelle version, il revoit sa partition, ne sachant plus s'il avait encore affaire à un concerto ou à une fantaisie... « A vrai dire, lui répond Joachim, les deuxième et troisième mouvements sont trop exhaustivement développés pour une fantaisie. La cohérence interne des différentes sections de l'œuvre crée entre elles une relation très plaisante, tout en préservant – et c'est le plus important – un contraste suffisant ». Pour cette œuvre, Jansons développe un travail moins ostentatoire, se laissant peu séduire, et sert de ce fait sans doute mieux les intentions de l'auteur.

AB