Chroniques

par laurent bergnach

Michel Faure
L'influence de la société sur la musique

L'Harmattan (2008) 270 pages
ISBN 978-2-296-04980-2
L'influence de la société sur la musique, par l'essayiste musicologue Michel Fau

Essayiste musicologue et historien de la culture, Michel Faure est de ces esprits pour qui « mieux vaut une hypothèse stimulante que de prétendues vérités qui nous endorment sur l'oreiller de nos préjugés ». Et il se pose des questions qui devraient, selon lui, titiller tout chercheur du domaine musical :

« Pourquoi cette nouveauté cette année-là et non cinquante ans plus tôt ou plus tard ? Pourquoi l'apparition de cet instrument ? Pourquoi tel style à telle époque ? Pourquoi cette échelle de notes-ci, ce bruit qui devient musique à ce moment-là, cette forme musicale qui naît ou qui meurt, dans ce lieu, à cette date, et pas autrement ? Pourquoi le passage de la monodie à la polyphonie, du madrigal à l'opéra, du style galant au romantisme ? Et depuis, pourquoi cette pluralité des musiques au sein d'une même société et, pour certaines, ces à-côtés ou ces au-delà de la tonalité ? »

On l'aura compris : pour Faure, le langage et l'esthétique du compositeur sont largement affaire d'histoire sociale, comme le sont également les moyens techniques avec lesquels il compose son œuvre, la fait entendre, la diffuse, ainsi que le goût de ceux qui l'interprètent, la reçoivent ou la refusent. Par le passé, certains ont ouvert la voix à ce mode de pensée – Luckács, Adorno, Bénichou, Goldmann, etc. –, mais l'auteur remarque que l'analyse des liens entre art, histoire, religion et politique se fait rare en ces temps de régression... C'est pourquoi il souhaite donner aujourd'hui de nouveaux arguments, afin que les événements musicaux soient élevés au rang de documents de civilisation.

Dans chacun de ses dix chapitres indépendants les uns des autres, les indices ne manquent pas : Fernand Cortez (1809) comme couverture lyrique d'une conquête napoléonienne, le rôle des muets dans les ouvrages contestataires, la mise en scène de la Réforme (contrepoids d'un catholicisme totalitaire) et celle des révolutions avortées, l'usage d'une barcarolle promesse de félicité autant que d'opposition larvée, Samson symbolisant les sauveurs successifs de la France bourgeoise et Dalila calomniant les suffragettes, le retour à l'Antiquité accompagnant le refus des règles, le néoclassicisme comme machine de guerre renfermé sur lui-même, etc.

Schémas et portées à l'appui, l'ouvrage « modeste et orgueilleux » de Michel Faure ne comporte pas une page dénuée d'information ou de réflexion judicieuse.

LB