Chroniques

par hervé könig

Othmar Schoeck
Sonates pour violon Op.16 – Op.46 – WoO 22

1 CD Claves (2005)
50-2503
Othmar Schoeck | sonates pour violon

Né à Brunnen, sur les rives du Lac des Quatre Canton, Othmar Schoeck (1886-1957) occupe, dès ses vingt-deux ans, une place dans la vie musicale suisse. Malgré un court passage à Leipzig où il se perfectionne auprès de Max Reger, c'est à Zurich qu'il accomplit ses études – avec Karl Attenhofer, Robert Freund, Lothar Kempter, etc. – et assumera ensuite des fonctions de chef d'orchestre et d'accompagnateur. Ainsi dirige-t-il les concerts de Saint-Gall de 1917 à 1944, avant de consacrer ses dernières années à la création. Considéré comme l'un des plus grands compositeurs suisses pour la voix – huit opéras entre 1911 et 1939, sans compter plus de trois cent Lieder en l'espace de cinquante ans –, sa musique de chambre, avec une dizaine d'œuvres, semble bien discrète en comparaison. Parmi celles-ci, les trois sonates pour violon et piano appartiennent à trois phases créatrices distinctes.

Datant de l'été 1905, la Sonate en ré majeur Wo0 22 témoigne de l'intérêt du jeune élève de conservatoire pour les sonates pour violon de la fin du XIXe, notamment celles de Brahms. Le premier mouvement (Anmutig bewegt) n'échappe pas à la tradition : thème principal défini surtout par l'harmonie qui donne naissance à un second, en la majeur, conclusion en germe dans le développement, etc. Simone Zgraggen au violon et Ulrich Koella au piano introduisent cette page avec une élégance infinie, soulignant la fraîcheur de la mélodie. Le mouvement central paraît beaucoup plus intéressant ; comme son nom l'indique, il s'agit d'un thème avec variations, dont la quatrième et dernière se distingue par une forme très ample. L'écriture, bien que fécondée par les poncifs du temps, demeure brillante, les artistes nous livrant ici une lecture d'une tendresse raffinée, tout simplement exquise, s'achevant dans une grande paix. Le Final (Schnelle Viertel) s'achève de façon facétieuse, après une ouverture en chansonnette anodine. De cette composition d'étudiant, Schoeck tirera une version corrigée en 1952, celle gravée sur ce disque.

Pour la jeune violoniste Stefi Geyer avec laquelle il vient d'effectuer une tournée de concerts durant l'été 1908, Schoeck compose, l'hiver qui suit, la Sonate en ré majeur Op.16, dont la facture est encore influencée par l'enseignement de Reger. Dès le premier mouvement, cette œuvre lyrique et douce se démarque du classicisme évoqué plus haut, notamment par un tressage serré de voix quasiment équivalentes et une reprise nourrie de variantes. Accompagnant son auteur, Willem de Boer, premier violon solo de l'Orchestre de la Tonhalle, créera cette sonate le 29 avril 1909. Nicht zu langsam figure une sorte de plainte lyrique dont la sensualité n'est pas exclue, le violon de Simone Zgraggen affirmant une sonorité délicatement colorée, dans une exemplaire fluidité d'articulation, tandis que le pianiste cisèle ses nuances jusqu'au grand solo orchestral où l'on croit entrevoir les ombres de Franck et, plus étonnant, de Rachmaninov. La mélancolique mélodie de Ruhig se pose sur les perlés délicieux du clavier, élevant peu à peu le chant vers un climat plus dramatique qui pourrait bien annoncer les œuvres vocales plus tardive de Schoeck. On saluera la diversité expressive des interprètes remarquable dans l'Allegro con spirito, dont la fin quasiment rhapsodique est habitée d'un grand enthousiasme.

Plus riche que ses aînées en figures dérivées et nouvelles, en mélodies presque baroques (nombreux trilles), la Sonate en mi majeur Op.46 s'appuie sur une base harmonique plus calme. Intitulé Tranquillo, son ouverture élégiaque et inquiète où le violon chante parfois une relative amertume mène à un menuet teinté de valse (Scherzo) arrivant de très loin, arborant des couleurs ravéliennes, puis à un final (Breit) résolument lent, et enfin tonique et virevoltant (Kräftig bewegt) où la faconde des instrumentistes s'expriment pleinement. Si nous retrouvons Willem de Boer lors de la création du 3 mars 1932, c'est Walter Frey qui l'accompagne alors. Enfin, ce fort beau disque se referme sur un bref Allegro de 1908, Albumblatt WoO 70, traversé d'une grâce un rien désuète.

HK