Chroniques

par bertrand bolognesi

Pascal Bastien – Hervé Lévy
Orchestre Philharmonique de Strasbourg – Un orchestre dans sa ville

OPS / La Nuée Bleue (2005) 172 pages
ISBN 2-9523585-0-8
Orchestre Philharmonique de Strasbourg – Un orchestre dans sa ville

C'est grâce au legs de l'avocat Jean-Louis Apffel que la Ville de Strasbourg put véritablement asseoir son orchestre, il y a tout juste cent cinquante ans, après la tentative échouée de création d'une Société Philharmonique en 1832. Son premier chef, et pour quinze ans, serait le Belge Joseph Hasselmans. Pour célébrer l'anniversaire d'une institution qui prit une place prépondérante dans l'activité de la ville, par le concert, bien sûr, mais aussi par cette particularité qui fait des chefs de pupitres les professeurs du Conservatoire, les éditionsLa Nuée Bleue publient un fort beau livre qui, outre de présenter un historique détaillé et passionnant de l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg, subissant la tourmente que connut l'Alsace à partir de 1870 jusqu'aux jours plus cléments d'après 1945, recueille des propos d'instrumentistes, de chefs, de compositeurs et de mélomanes.

Le critique musical Hervé Lévy, collaborateur de Polystyrène et de Repères, est ici l'auteur d'autant de portraits croisés que met en scène la photographie de Pascal Bastien, bien connu des lecteurs de Libération, L'Express, La Croix ou Le Monde. Cette iconographie judicieuse autant qu'artistique est le résultat de dix mois durant lesquels Pascal Bastien a côtoyé l'orchestre, suivant les concerts d'abonnement mais aussi les concours d'entrée et les tournées. Rencontré en avril dernier, il nous confiait :

« J'ai découvert le monde de l'orchestre, un domaine que je ne connaissais pas, et dont il n'est pas toujours facile de saisir les règles. On doit respecter le fait qu'un tel sujet impose naturellement certains clichés attendus, ce qui n'exclue pas qu'on puisse également surprendre par le traitement qu'on en fait. Poursuivant un travail personnel, j'ai tenté de m'interroger sur la manière dont ses acteurs vivaient notre société. De là est venu le choix du format paysage, répondant à l'idée d'un dialogue au sein de l'image, comme au cinéma. L'approche des musiciens d'un orchestre est plus délicate que je m'y attendais. Aussi discret que j'ai pu me faire – limiter les manipulations (deux objectifs, une boîte assez petite), exclure le flash, etc. –, ma présence fut souvent vécue comme une intrusion. C'est comme dans la vie : on s'apprivoise… »

Touchant la choséité même de la naissance des timbres, il offre également quelques portraits d'instruments auxquels il sut donner une vie étonnante, comme un déconcertant basson le souligne, par exemple. À l'aube d'une ère nouvelle, puisque Marc Albrecht – dont nous avions salué la conduite du Fliegende Holländer à la Deutsche Oper [lire notre critique du 7 juin 2003] – honorera ses fonctions de directeur musical de l'OPS dès la rentrée 2006, Un orchestre dans sa ville se fait, à sa manière, l'écho d'une effervescence parfois impatiente autour du sujet, instrument qui accompagne, avec un incontestable talent, la vie d'une région peut-être plus musicienne, en tout cas mélomane, que bien d'autres.

BB