Chroniques

par laurent bergnach

Paul Griffiths
La Mer en Feu : Jean Barraqué

Hermann Éditeurs (2008) 350 pages
ISBN 978-2-7056-6777-1

Critique musical pour la presse anglophone, auteur de livrets pour Tan Dun (Marco Polo) et Elliott Carter (What Next ?), Paul Griffiths retrouve une période de l'histoire qui lui est familière avec cet ouvrage sur Jean Barraqué – compositeur bien moins connu que Messiaen, Cage ou encore Ligeti auxquels il a déjà consacré des livres.

Fils de boucher né en janvier 1928 à Puteaux, chanteur à la Maîtrise de Notre-Dame de Paris au début de l'adolescence, le jeune Barraqué découvre réellement la musique par l'enregistrement de la Symphonie « Inachevée » de Schubert. « Brutalement, confie-t-il, à partir de ce moment-là, j'étais comme fou, j'étais obsédé. Et (c'est très orgueilleux, bien entendu) tout de suite j'ai voulu en faire autant ». À dix-huit ans, s'étant pris de passion pour Beethoven, sa vocation de compositeur se précise : « […]chaque jour, pendant une heure ou deux j'étudie le piano et la théorie (harmonie, histoire de la musique, etc.) et j'assiste souvent à des concerts et à l'opéra ».

L'autre choc important est l'enseignement de Messiaen, amenant à la découverte d'un nouveau langage musical : en 1949, le jeune homme livre ses premières compositions sérielles, avant d'approcher le milieu de la musique concrète. Durant ces années d'apprentissage, le soutien, l'influence et les commandes de Boulez pour le Domaine Musical ne sont pas à négliger, bien avant l'éloignement et le regard, sévère et posthume, de l'aîné sur « […] un raté, avec des dons naturellement, qu'il n'a pas su faire fructifier ».

Des troubles nerveux peuvent expliquer ce gâchis évoqué par Boulez, car d'année en année, le gamin gai, bavard et généreux devient excessif, ombrageux et alcoolique. Inflexible avec les interprètes et ses rares amis, Barraqué trouve écho à sa mélancolie chez Kafka, Dostoïevski et surtout Broch, dont La Mort de Virgile lui fournit des pistes de création depuis 1955 jusqu'à sa mort, vingt ans plus tard.

Cet homme « très mystérieux et très complexe » – dixit Claude Helffer – nous laisse sept partitions, un livre sur Debussy et des articles rassemblées en 2001 par Laurent Feneyrou.

LB